Friday, October 15, 2010

Si jamais













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Identité - Genève


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The Energy of this hotel

(Chère Sarah Neumann…)

J’ai dit à Patrick de Rham que je trouvais Sarah Neumann « allumée » (une découverte tendre) – que je la trouvais « allumée », j’ai détaillé, pour deux raisons : elle venait de me demander d’assister à l’audition du soir d’un élève de l’école (j’en avais donné une le matin) et elle lit mon blog ! Mes auditions sont allumées, y a pas d’autre mot (quand elles sont bonnes, un échange de confiance magique, pisse, foutre et abattement) et, mon blog, vous le fréquentez ! Donc Sarah Neumann est allumée. CQFD. Alors Patrick (peut-être avant que j’aille plus loin) m’a dit qu’ils avaient vécu ensemble plusieurs années – colocataires ? – non, ensemble. Ce qui a d’ailleurs ensuite été évoqué en fin de soirée (après l’audition allumée) par Sarah Neumann elle-même devant les étudiants qui traînaient encore à point d’heure dans cet hôtel-école pleine d’énergie. Patrick vit maintenant avec Anne, une très belle sorte de Barbara jeune qui, dans une de ses performances, a arraché la moquette d’une pièce avec ses dents jusqu’à s’en être pété une. Qui se baigne dans le sang de son lac tous les jours. Quand je l’ai croisée (Patrick m’en avait beaucoup parlé) son sourire délicieux n’entrouvrait qu’à peine sa bouche (jusqu’à lundi sans doute et la pose de la dent-pivot) bien que j’y guettais pourtant – avec avidité sexuelle – la dent cassée. A cause de la phrase de Leslie Kaplan (dans L’Excès-l’usine) qu’avait remarquée Maurice Blanchot : « un merveilleux sourire édenté » – merveilleux parce qu'édenté*. Ce qui nous amène (liaison subtile, directe) à la performance de Cédric Leproust, la performance allumée du soir à l’école du Chelsea Hotel : une des choses les plus belles et incroyables que j’aie vues de ma vie. J’ai donné deux leçons particulières à deux élèves de l’école (de la Manufacture, son vrai nom) qui ont été annoncées comme des « auditions », mais, tout de suite, j’ai compris que c’était, en fait, des leçons particulières. Avec des élèves très doués. Philippe Wicht, le matin, Cédric Leproust, le soir. Les élèves (en tout cas, ces deux-là) sont incroyablement réceptifs (à ce que je dis) et disponibles au travail. J’en ressors renforcé miraculeusement dans ma confiance à faire ce métier et j’en ressors aussi abruti de passion. Je constate, une fois encore, ma fascination. (J’ai su me tenir, j’ai dormi chez l’un et chez l’autre sans geste.) Ce que Philippe a laissé échapper est inoubliable, ce que Cédric a laissé échapper est inoubliable. Je vais plus parler de Cédric Leproust parce qu’avec Cédric Leproust, un spectacle est soudain apparu définitivement (mais c’était le soir). Le spectacle de la danse édentée. Mais Philippe, le matin, était inoubliablement offert, accroupi comme dans la savane préhistorique ou descendu du trottoir de la scène comme Martha Graham descendait de voiture. Etre, c’est faire. Jouer Dieu. Enfin, je ne vais pas me répéter. Avant l’audition d’un comédien, j’ai toujours un peu peur, je me demande si je ne vais pas me retrouver blasé, résigné, déprimé (puisque je propose quand même un peu toujours la même chose). J’en ressors (souvent) les yeux écarquillés et le cœur ouvert (et le désir en fusée) – par la stupéfaction des réponses que je reçois aux équations simples de mon questionnaire. Chaque comédien est capable d’inventer un monde totalement indépendant et nouveau. Je pense que le succès de ces deux séances de deux heures vient aussi du besoin de cours particuliers qu’il y a dans cette école. Ils ont plongé dedans avidement et m’ont dit chacun qu’ils sont pratiquement toujours en groupe dans cette école où ils travaillent beaucoup (« volée » de seize). Voilà ce que je vais proposer à Sarah : si je venais enseigner là, peut-être que ce serait bien, plutôt qu’un cursus traditionnel (workshop), d’imaginer d'intervenir en cours particuliers. C’est curieux, d’ailleurs, je n’étais pas, jusqu’ici, attaché aux solos (« le théâtre commence à deux »), mais, sans doute à cause du travail récent avec Thomas Gonzalez qui sera repris aux Urbaines, je m’y sens, maintenant, violemment nécessaire. Le cas aussi de ce qu’a fait Cédric hier au soir. Solo massif, monstrueux, cosmique, violent, animal, politique, brutal, rock sans musique, sans drogue (mais avec érection) d’une douceur incomparable car la violence et la douceur, au fond du monde, c’est la même chose. (« Le théâtre rend aux hommes la tendresse humaine. ») Solo irrémédiable dans un clair de lune bleu. Au fond d’une cage tectonique, d’un abri anti-atomique, d’un laboratoire noir. De la danse. Du zoo. Du nu. Lucian Freund. Francis Bacon. Alain Platel. Puissance défaite rock, vibrante et morte. Etoile. Toute ma vie est encore aimantée par cet événement. Thomas Gonzalez m’écrit tout d’un coup : « He ho tu vas bien ? Je sais pas pourquoi là d’un coup au milieu de la nuit je m’inquiète… » car j’envoie un message d’amour fou à Cédric Leproust, en l’occurrence une phrase de Shakespeare « And shake the yoke of inauspicious stars / From this worldweary flesh ». Rentrant ensemble le long de la voie ferrée, on passe devant un garage immaculé vide éclairé au néon vitré et glacé (des miroirs sur tout un côté). Je dis à Cédric : voici le lieu dans lequel tu pourrais représenté ce que tu viens de faire. On laisserait les gens dehors, idéalement sur un petit gradin ou même assis sur le talus (l’immense salle hurlante est en contrebas de la voix ferrée). Cédric est tout excité. Je promets d’en parler à Patrick. Le lieu est tout près de l’Arsenic. On ne sait jamais. En fin de soirée, très tard… Si le lieu était impossible à obtenir, j’imagine une autre solution. Le jouer là où on l’a répété, dans la salle de spectacle de la Manufacture (qui est plus loin de l’épicentre du festival). Alors, peut-être, ce serait mieux de ne pas le programmer officiellement (dans le « In ») mais il se présenterait comme une sorte de « Off » – sans annonce autre que le bouche-à-oreille et en pleine nuit animale noire.



* « La plupart des femmes ont un merveilleux sourire édenté. »

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Who couldn’t get it up

Je veux écrire. Je veux écrire. C’est la pleine nuit, maintenant la pluie. Je veux écrire. Tant de choses se sont passées en deux jours, un ordre encore à ordonner. Je veux écrire. Pourquoi pas dormir ? Ou lire ? Lire devant. Ou recopier. Ou tomber sur. Non, il faut rêver. Rêver à vue. Retenir l’électricité et penser.

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Fragilité centrale

Shakespeare a écrit quelque part : « And shake the yoke of inauspicious stars / From this worldweary flesh », qu'on peut traduire maladroitement par : « et secouer de notre chair lasse du monde le joug des néfastes étoiles » C'est comme une définition de ce que tu as fait dont c'est peu dire (que de dire) que ça continue de me hanter... Passe un très bon week-end !



Peut-être t'en es-tu aperçu, mais je ne sais pas bien dire ce qui est.
Ni bien l'écrire non plus.
(Sans doute, une des raisons pour lesquelles j'ai choisi de faire ce métier).
Mais Shakespeare l'a fait, alors pourquoi pas moi ?

Un travail abouti doit avoir le goût d'une petite mort : la douleur d'un achèvement, de quelque chose qui se termine, et aussi la jouissance d'un corps hurlant sa joie : « Je meurs mais j'ai vécu ! »
C'est à cet endroit que le théâtre doit être.
C'est à cet endroit que je me sentais pleinement jeudi soir.
J'aimerais mourir comme cela chaque jour, et alors, comme Tchekhov, dire « Champagne » au moment venu.
Encore merci Monsieur Genod.
T'embrasse

PS : Tu es d'ores et déjà sur ma liste.



Encore un autre vers, cette fois de Victor Hugo, qui me fait penser à ce que tu as fait : « L'hydre-Univers tordant son corps écaillé d'astres ». C'est où dans Tchekhov, « Champagne ! » ? Ça m'intéresse... Ta liste... ta liste de profs ? Passe-moi ton mail, plutôt. Voici le mien : yvesnoelgenod@wanadoo.fr
J'envoie un mot à Patrick de Rham, mais j'aimerais bien continuer ce travail (anyway) !
Bises



« Champagne » est le dernier mot qu'a prononcé Tchekhov avant sa mort.
Mon adresse mail est cedric.lep@hotmail.fr
Ma liste de profs, mais surtout des gens avec qui je désire infiniment travailler.
Bises



Ah, je ne connaissais pas cette légende. Je m'arrêtais au « Ich Sterbe » dont Nathalie Sarraute a fait un très beau texte que je disais en spectacle de sortie de mon école à moi (il y a des décennies) vêtu d’un manteau à la russe. Moi aussi, t'es dans ma liste ! A bientôt

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Lausanne-triage

« Sous le rêve, le devoir d’être bon »

Un titre (à côté) : « Sous le rêve, le devoir d’être bon », dans le journal « Le Temps ». Je suis dans le Lausanne-Genève. J’écoute l’accent et les expressions imagées d’un monsieur qui n’arrête pas de téléphoner. Il est dans le câble. Je voulais l’enregistrer avec mon dictaphone, mais ça ne marche pas. (Je suis trop loin.) Il a une tête incroyablement amorphe et un accent si chantant, si vivant, c’est un contraste étonnant. Un peu le contraste Christoph Marthaler d’ailleurs, le lyrisme dans la voix chez des êtres abattus. « Forage de nuit et puis bétonnage de jour. » Patrick de Rham n’a jamais vu un spectacle de Christoph Marthaler, mais il m’a invité au café Romand, je lui ai dit : c’est ça. Tu n’as pas besoin d’en voir, c’est ça. Regarde là, c’est ça. Simplement recopié. Hyperréalisme. La seule différence (que tu peux imaginer), c’est qu’à un moment, ces gens qui remplissent d’horreur ce café (de vide) se mettent à chanter des chants délicieux ensemble et que ça ne change rien.

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The Milk of human kindness

« Mes parents m’ont appris que Dieu était responsable de notre monde. Puisqu’il nous a jetés dans ce monde cruel, plein de guerres, de maladies et de pauvreté, la seule chose à faire est de se montrer tendre avec son prochain. La gentillesse est l’exception dans ce monde de brutes. »

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