Thursday, May 28, 2009

Belle de jour

"J'ai un problème avec la théorie. Je n'aime pas que les choses existent avant qu'elles existent."

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"Tout arrive" (France Culture)

...mais je vous ai un peu pressés pour garder un peu de temps pour le dernier spectacle à notre affiche, celui de Yves-Noël Genod qui signe la mise en scène et la scénographie de ce spectacle intitulé Yves-Noël Genod, donc évidement on est déjà... d'être surpris... Y a-t-il tromperie sur la marchandise ? Avant d'entendre un extrait, de quoi s'agit-il, Gwénola David ?
- Ah, c'est si difficile à dire ! C'est le piège ! C'est le piège parce que c'est un spectacle qui est un p'tit peu foutraque comme beaucoup de propositions d'Yves-Noël Genod...
- Mais pour celles et ceux qui le connaissent pas ?
- Pour ceux et celles qui le connaissement pas on peut dire que c'est un spectacle qui parle de fantômes d'acteurs, la façon dont on est habité ou on essaie d'habiter des personnages, la façon dont on passe de fictions de soi dans la vie et de l'impossibilité de la fiction sur un plateau...
- Lui dit qu'il a voulu parler de sdf...
- Oui, mais bon, ça...
- Il dit que c'est l'association de trois spectacles différents qu'il avait pensé.
- Alors : un amuse-bouche sonore - qui est dans quelle section du spectacle, Sophie Joubert ?
- Alors, c'est dans la deuxième partie du spectacle, la partie la plus politique qui parle de la colonisation, de l'Algérie et on va entendre des morceaux de texte et cette chanson interprétée par Mohand Azzoug.

(Chanson de Zidane.)

- Laurence Millet n'en peut plus : nous rendons donc le micro. Cette chanson, on aura reconnu évidemment l'épouvantable musique de Jean-Jacques Goldman qui signait le début d'la fin de Khaled, Aïcha, mais ici réinterprétée... Enfin on souhaite une renaissance à Khaled qui a autrement d'talent que quand il chante du Jean-Jacques Goldman, quand même hein, souvenons-nous de cette chanson épouvantable on peut l'dire ça, Antoine Lachand ?
- Ah oui, oui...
- Epouvantable !
- ...je vous suis, je vous suis.
- Mais ici, voilà, resservie et détournée comme on vient de l'entendre...
- Oui puis associé à une variété, à une palette de formes...
- "Variété" le mot est bien choisi...
- Voilà. ...proposée... Absolument. ...à une palette de formes le plateau du studio du Théâtre de Chaillot totalement incroyable : moi, j'ai essayé de lister un peu tout ce qu'on pouvait voir..
- Vous avez quatorze pages...
- Voilà... pendant ces deux heures de spectacles : on s'habille, on se déshabille, on mime, y a des conversations qu'on entend, y a des bruits d'hirondelles, y a d'la chanson, on parle trois ou quatre langues différentes...
- On se déshabille beaucoup.
- Voilà.
- ...commencez par là.....
- ...on récite des morceaux d'Oncle Vania ou de Roméo et Juliette on récite Les Fleurs du Mal, on fait des vrais-fausses conversations, enfin, y a absolument de tout dans ce spectacle. J'avoue ma perplexité parce que effectivement pour avoir beaucoup vu de spectacles que j'appelle des spectacles-zapping c'est à dire où on refuse la narration et où on met bout à bout des gens qui font tout un tas d'postures différentes, quand j'ai vu l'spectacle commencer avec cette actrice, alors, qui devient par la suite tout à fait formidable, qui s'appelle Marlène Saldana, effectivement se mettre toute nue, enfiler un masque et se j'ter sur un spectateur en criant "I want to fuck somebody" j'ai eu un p'tit peu peur et puis j'dois dire...
- Sur un air de... non ?
- Non, là je pense que ça chantait pas à ce moment-là. Il devait y avoir quelques comparses...
- Ça faisait pensé à quelque chanson de Whitney Huston...
- Non, non, c'était pas celle-là. Il devait y avoir quelques acolytes quelque part sur scène... Et pourtant j'dirai que dans les deux heures que dure le spectacle, progressivement, en tant que spectateur, j'ai vraiment été emporté par cette accumulation de moments, cette grande douceur qui surgit, je trouve, à beaucoup d'endroits. Y a pas d'violence vraiment, y a pas, on parle beaucoup d'nudité, mais on sent bien que le propos n'est pas celui-là de vraiment faire quelque chose qui s'rait trop racoleur ou au moins immédiatement dans ce sens-là et, vraiment, j'ai suivi un parcours de plus en plus emporté par la poésie de cette proposition et donc, voilà, je salue ici la manière dont ça a été sans doute tissé avec beaucoup de brio par Yves-Noël Genod.
- Sophie Joubert ?
- Oui, c'est un spectacle cousu main, c'est un p'tit peu comme si Yves-Noël Genod avait fabriqué son spectacle sur le corps de ses comédiens comme un couturier le ferait sur le corps de ses mannequins. Alors un mot peut-être du dispositif : quand on commence à faire la queue à la porte du Studio-théâtre de Chaillot, Yves Noël Genod lui même avec une sorte de heaume en cotte de maille et des bottes, des espèces de moon boots en poil de yéti, on pourrait dire ça comme ça...
- Voilà... Ça r'ssemble à ça, en tout cas !
...eh bien, apportait à chaque spectateur une coupe de champagne comme si il fallait avoir...
- Nous, on n'en a pas eu !
- C'était pas tous les soirs.
- ... c'est comme s'il fallait être un p'tit peu ivre pour apprécier ce spectacle ou en tout cas, vraiment, laisser sa raison de côté pour vraiment entrer dans ce spectacle et donc quand on arrive dans la salle, on voit un dispositif bi-frontal qui va changer à l'entracte, donc deux gradins face à face, l'un pour les spectateurs et l'autre pour les comédiens, et puis donc, voilà, ça va changer dans la deuxième partie... Oui, je suis d'accord avec Antoine : c'est un spectacle que je trouve extrêmement poétique et, finalement, y a une partie (au début de la deuxième partie) qui est un p'tit peu politique quand Genod essaie de parler, même de très loin, mais de la condition des sdf, de la colonisation de l'Algérie, je trouve finalement que c'est ce qui fonctionne le moins bien. Alors à souligner aussi qu'il y a une excellente chanson signée Nathalie Quintane et, là, on a l'sentiment de voir un roi déchu avec plusieurs trônes comme ça dont un pouf en fourrure rose... Voilà, c'est un univers qui convoque énormément de références...
- C'est un peu une malle de déguisements...
- Voilà, exactement.
- ...on a l'impression qu'on sort plein de choses et qu'au milieu de la fumée, d'un coup, l'un des acteurs se met à faire de l'escrime. Moi, c'est ces images-là qui me restent et que j'ai trouvées très belles...
- Y a des références au théâtre classique, mais aussi peut-être à David Lynch, mais aussi peut-être à Jacques Demy avec cette tête d'âne comme ça, on se sent à la fin comme dans un conte de fée...
- Gwenola David ?
- Oui, c'est vrai que c'est un spectacle qui est habité par plein de fantômes de théâtre, alors je crois que Yves-Noël Genod a été à l'école de Chaillot, la dernière année où Antoine Vitez dirigeait cette école...
- Absolument.
- ...avant de partir à la Comédie Française et, moi, c'est vraiment cet angle de lecture qui m'a guidé et le titre aussi parce que Yves-Noël Genod... alors, évidemment ça fait penser à Jérôme Bel qui avait intitulé en 95 son second spectacle Jérôme Bel et parlait de cette impossibilité et qui interrogeait les moyens même de la danse et c'est vrai que Yves-Noël Genod comme Sophie Joubert le disait tout à l'heure, est un personnage de part ses habits, la façon dont il accueille le public et, du coup, on va dire que c'qui se passe sur la scène se lit aussi avec ce qui se passe hors scène et je suis rentrée complètement dans ce spectacle par ce biais-là et qui, ce spectacle m'a raconté l'impossibilité du spectacle, c'est à dire cette façon dont le théâtre se défait sans cesse au moment ou il essaye d'advenir et quand tout n'est plus que déguisements, reste au fond le simulacre. Y avait quelque chose de très touchant dans la façon...
- Toujours très doux...
- ...Et très doux, voilà, dans la façon dont c'est amené...
- Et vous parliez de l'influence de Chaillot : cette vraie-fausse interview de Gérard Pillipe au TNP qui surgit à un moment est très, très émouvante aussi dans cet espace qu'est Chaillot.
- Voilà c'est Yves-Noël Genod, un spectacle d'Yves-Noël Genod. C'est à Chaillot jusqu'au 6 juin et ça nous fait penser par association d'idées, "foutraque", "Gérard Philipe" et "Chaillot" qui me fait penser que les Zerep, Sophie Perrez et Xavier Boussiron, seront ce soir à 21h sous la nef du Grand Palais pour un spectacle dont on ne peut rien vous dire parce que on n'sait pas c'que ça peut être encore, ce soir dans le cadre de La Force de l'Art donc à 21h, venez un p'tit peu avant quand même pour participer à la chose... je pense que ça promet comme d'habitude avec eux, Yves-Noël Genod jusqu'au 6 juin, je l'ai dit...



(28 mai 2009.)

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Un workshop à la Villa Arson


Photo Florian Leduc (mai 2008).

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