L e Monde qu’il a en face de lui
« Le monde que Kafka a en face de lui, ce n’est pas simplement, disons, les phénomènes de coercition ou toutes les aliénations diverses, etc., c’est pas ça du tout, c’est ce qu’il voit, et, ce qu’il voit, c’est vraiment ce que voit tout individu normalement constitué dans la rue auquel il ne fait pas attention. On fait pas attention à ça. C’est-à-dire que ce que décrit Kafka, c’est la surface du monde dont je parlais tout à l’heure, c’est-à-dire qu’il voit la totalité de la surface du monde, c’est ça qui est incroyable — et donc il a énormément de travail, donc il le dit, il dit : « Le travail qui m’attend est énorme, quoi ». Et il dit ensuite : « Le monde prodigieux que j’ai dans la tête ». Donc c’est deux monde, y a le monde qu’il voit et le monde prodigieux qu’il a dans la tête. Mais on s’aperçoit en lisant les fragments, les récits très courts ou les nouvelles, on s’aperçoit qu’il y a aucune différence entre ce qu’il voit et ce qu’il a dans la tête. […] Le rêve éveillé de Kafka est absolument réel parce qu’il fait partie du monde qu’il voit. Je sais pas si je suis clair. C’est-à-dire que, mettons, mettons pour les Chinois, pour les peintres chinois, de peindre un paysage, ce n’est pas peindre le paysage qui est en face de nous, c’est peindre le paysage dans lequel nous sommes placés. C’est-à-dire, vous comprenez, on est inclus dans le paysage que nous sommes en train de peindre. Kafka, c’est ça. La plupart des lecteurs ne savent pas, de Kafka, c’est que, finalement, c’est une très, très belle description du monde tel qu’il était à l’époque de Kafka. »
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