Wednesday, May 08, 2013

Nuit





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Sortie en ville


C’est incroyable comme il est possible de vivre sans dépenser dans ce monde capitaliste ! Je suis allé au Palais de Tokyo en Vélib’. J’ai pris un billet chômeur (gratuit, encore faut-il être chômeur ; ce que je suis encore, Dieu soit loué !) J’ai commencé à visiter les expos ; je suis allé dans la salle du haut. Là, il y avait, sur de la moquette beige bien épaisse, symbole de luxe et de bon goût, une sorte d’événement Chanel, je ne sais pas, une expo de livres et de films autour du parfum n°5. J’ai lu la biographie de Chanel par Edmonde Charles-Roux, L’Irrégulière. Je suis rentré ensuite à ma maison en Vélib’. J’avais entendu parler les riches et leurs problèmes. Je vis avec 1000 e par mois ; je vis seul ; personne ne pourra nier l’avantage de cette situation. Je trouvais que le portrait de Chanel en couverture de cette édition de poche ressemblait à Théo. Oui, Théo, l’ange noir (mais l’ange). « Mais l’ange », « mélange », ce mot me frappait dans ce que j’avais écrit. Sur le mélange, j’avais entendu qqch à la radio au début de l’après-midi. Et puis il y avait cette citation de Nietzsche : « Vous avez souhaité le retour de toutes choses, toutes revenant de nouveau, toutes éternelles, enchaînées, enchevêtrées, amoureusement liées ; c’est ainsi que vous avez aimé le monde. » Je lis toujours mieux, plus avidement, les livres trouvés, qui ne sont pas à moi ; plus avidement, plus personnellement, c’est-à-dire en survolant des pages, en détaillant d’autres, en fouillant l’information. Ce Temple de Paris — je n’ai pensé à rien, en fait. Ah, si ! j’ai pensé que mon blog était une autobiographie, en fait, et que les personnages qui y apparaissaient ne m’intéressaient que parce qu’ils y apparaissaient, ne m’intéressaient que par leur qualité romanesque. Que, bien sûr, j’avais déjà parlé de ça dans mon second one man show, Pour en finir avec Claude Régy, et que je continuais sur ce blog à raconter ma vie avant de l’avoir vécue ou même à la place de la vivre. Et que, je sais, cela ne plaisait pas à mon psy — mais que pouvais-je faire ? d’ailleurs je ne voyais plus mon psy : je ne pouvais plus le payer. Me restait que l’histoire. J’avais conscience que les Théo, Thibault, Thomas n’existaient pas vraiment ; ce que je cherchais, c’était des personnages, des personnages en mon miroir. Et c’était drôle d’avoir cette lucidité qui ne servait à rien, qui ne servait qu’à noircir du papier. L’éventuel lecteur... lectrice éventuelle... J’aimais les bêtes, j’aimais les planètes, mais j’aimais peu les hommes, il fallait bien le reconnaître. J’étais misanthrope, j’étais jaloux, j’étais manipulateur, j’étais sadique peut-être. J’étais victime (peut-être). J’étais... le Créateur. Ce dieu ignoble qui n’existe pas (sauf dans ce roman d’aventure qu’on nomme La Bible). Filles, filles du monde, délivrez-moi ! En fait, j’ai toujours admiré les biographies, plus que tout, plus que les romans auxquels je ne fais pas confiance (je veux dire : à l’auteur). Les romans, pour moi, c’est le poème ou sinon je ne leur fais pas confiance. Les biographies, c’est autre chose : travail d’artisanat, de délicatesse... et que les noms soient vrais est une qualité bien supérieure, bien plus « romanesque » d’ailleurs que les noms inventés (comme Nietzsche l’a démontré). Je me demandais si j’allais me trouver un amour dans la nuit de la cité. Après tout, cela n’était pas impossible... ça n’allait probablement pas arriver, comme gagner au loto, mais, pour cette raison, ça pouvait arriver... Ah, zut ! j’oubliais que je ne jouais pas au loto... j’oubliais que j’étais un fantôme ; que je m’étais arrangé avec moi-même pour que plus rien ne m’arrive... plus rien ne m’arrive sur les rives de la Seine. Mon personnage s’effritait et clamait sa défaite. On est toujours seul pour mourir, pour écrire... Cette dernière phrase sortait droit de la biographie d’Edmonde Charles-Roux. C'est Chanel qui meurt, c'est elle qui écrit...

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Ce qui n’est pas susceptible d’être atteint


« C’est pas la vérité qui est hors d’atteinte, c’est le désir que j’en ai qui la met hors de mon atteinte, hors de ma portée. » 

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La Confession (d’un enfant du siècle)



Tous les soirs pendant, mettons trois ans, mettons de 8 à 11 ans — ou de 9 à 12 ans —, le gamin allait dans sa chambre pour un rendez-vous : disons à 9h tous les soirs, un homme se branlait devant lui dans l’appartement en face. L’enfant regardait ça. Ça avait duré pendant 3 ans. L’homme lui demandait souvent, par des signes, de le rejoindre. D’abord le gosse n’avait rien fait, regardait simplement, puis il avait commencé à se branler aussi quand l’âge était venu. L’homme était très laid, gros, ventripotent, chauve. Une fois, cet homme avait baisé avec un autre devant lui. Voilà comment ç’avait été la fin : il avait fini par descendre — ç’avait été la fin : en rentrant chez lui, il avait fermé les rideaux et ne les avaient plus jamais rouverts. Une fois, donc, il était descendu pour rejoindre cet homme qui le lui demandait avec tant d’insistance depuis tant d’années. Il y était allé la corde au cou, la mort dans l’âme (il fallait bien en finir). L’homme l’attendait en bas de son immeuble et s’était jeté sur lui dans l’ascenseur. Là-haut, l’homme s’était mis à 4 pattes et avait demandé au gamin de l’enculer. Le pauvre garçon avait joui tout de suite et avait ressorti un sexe plein de merde : ç’avait été sa première expérience. En arrivant dans l’appartement, le gamin s’était surpris à dire, dans un souffle, mais la voix claire : « C’est 50 fr ». Au retour, il avait découpé au cutter une partie du livre qu’il était en train de lire pour y placer le billet de banque. Il a toujours gardé ce livre rempli de ce billet de 50 fr, de la belle tête de Saint-Exupéry. Le livre s’appelle L’Effroi dans le placard et fait partie de la collection « Chair de poule ». Dans les transports en commun, il palpait le sexe, enfin, le paquet, comment dit-on ? des vieux messieurs qui lui apparaissaient du profil recherché (celui de pédophile). Il ne s’était jamais trompé d’ailleurs : parfois il ne se passait rien, mais il n’avait jamais été rabroué. Parfois, il en amenait un dans le local à poubelle en bas de son immeuble et le vieux monsieur se retrouvait à genoux à sucer son petit sexe d’enfant. Il ne faisait ou ne demandait rien d’autre, il voulait juste se faire sucer (c’était lui qui dirigeait les opérations). Une fois, sa mère étant sortie, il en avait fait monté un dans l’appartement ; c’était prendre beaucoup de risque. Et, en effet, sa mère avait oublié qqch et lui avait soudain téléphoné de l’interphone de descendre l’objet en question. Il avait eu le temps d’évacuer le vieux monsieur, mais sa mère, restée en bas, s’était rendu compte de son bouleversement. Il avait baisé ses petites cousines aussi. Il y en avait 4, il en avait baisé 3. La dernière, cette idiote, s’était plainte, il n’était jamais parvenu à la totalité. Ç’avait été le début de la fin de sa sexualité d’enfant. Son père lui avait fait écrire des lettres de demande de pardon et de reconnaissance de faute. Il avait prévenu tout le monde, il avait fallu parler avec sa mère, sa grand-mère, etc. Et son père avait exigé, pendant les vacances, qu’il fasse chambre à part tandis que ses nombreux cousins et cousines dormaient ensemble et lui demandaient comment ça se faisait. Et puis on l’avait mis chez une psy. Toujours est-il que ça avait marché et que l’adolescence avait été calme, bien plus calme, rien à voir : il était guéri. Théodora  se souvient des questions et des suggestions insidieuses de la psy. Il savait toujours où elle voulait en venir. Alors il l’égarait par des réponses naïves, innocentes ou provocantes, mais pas de la façon qu’elle attendait. Toujours est-il que ça avait marché, qu’après une enfance dévergondée, il s’était guéri à l’adolescence. Il y avait même une période où il avait baisé toutes les filles du 15ème. C’était dans le 15ème — ou dans le 9ème. C’était jamais la bonne, il les essayait toutes. Il voulait se convaincre de sa non-homosexualité. Mais c’était jamais la bonne. Toujours de leur faute. Mais cette région de l’âme est si morale, n’est-ce pas ? Pas de quoi fouetter un chat. Quand il revoit ses cousines, dans des réunions de famille, l’une de celles qui ne s’étaient pas plainte fait toujours allusion, devant tout le monde, à ces événements. Devant tout le monde, mais des allusions que lui seul peut comprendre. Cela le met dans un drôle d’état, mal à l’aise. Par exemple, elle glisse dans la conversation, l’air de rien : « Théodora qui aimait tant jouer aux lions... » (ils appelaient ça : « jouer aux lions »). 

Le Cinéaste et les peintres



« Je peux très bien travailler à qqch que je comprends pas. Donc j’essaie de ne pas trop intellectualiser et de me dire : j’ai trouvé un bon sujet. Je pense qu’un bon sujet est mauvais, tout de suite. »

« Et l’habitude aujourd’hui est d’interroger le cinéaste sur le sujet. Pourquoi, comment. Moi, le sujet, ce que j’ai dit tout à l’heure, n’a pas d’importance, donc il ne faut pas me questionner sur le sujet parce que le sujet n’est pas important, ce qui m’importe, c’est la cinématographie, c’est-à-dire d’écrire avec des images et des sons une histoire. Et je trouve auprès des peintres une méditation, vraiment une méditation sur mon propre travail. Donc je peux très bien lire des propos que tient Courbet, que tient Malevitch, que tiens... — je veux dire : c’est très riche pour moi, même s’ils ne parlent que de peinture, qu’ils ne parlent pas de cinéma. »

« Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, au cinéma, le paysage... quand on filme un paysage, c’est pas un paysage. C’est le climat intérieur du personnage. Un film, c’est un objet mental. »

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Zarathoustra est une femme



« Je crois que la beauté, dit Ulrich, n'est pas autre chose que l'expression du fait qu'une chose a été aimée. » Je viens de lire cette phrase sur la toile qui va suffire (enfin) à me dégager d’elle : je sors, j’émerge, la chose va être aimée, j’annonce, fais gaffe ! Je vais me balader — mais en ville — dans mon paysage intérieur. Et aimer aussi la surprise qui fait partie de mon cinéma intérieur. Je vais sortir dans Paris, cette ville que je vais sacrer Ville de la beauté possible, Ville de la beauté possible où tu habites pas loin. C’est une bonne décision ; positive ; le plus souvent ma vie quotidienne se mesure à — prend le masque de la Haine de Paris. 

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Paris est-il vide aujourd'hui ? (pour que je sorte...)

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Photo César Vayssié.

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Bonjour Yves-Noël, 
On s'est croisé au théâtre de la Bastille pour le Catarina Sagna et mon amie vous a abordé. On avait beaucoup aimé Julio Iglesias (je ne me souviens pas du titre). Voici mon mail. Prévenez-moi quand vous vous exposez de nouveau...
Bien à vous,
Rania Meziani



Avec plaisir ! 
Le titre, c'est : La Mort d'Ivan Ilitch.
A bientôt, 
Yves-Noël

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Les merveilleux avions


Jour blanc, nuit blanche — et l’amour intact, mais inutilisé. Peut-on user de la vie, peut-on ne pas en user ?

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