Yves-Noël Genod, le Dispariteur présente :
Hamlet
Distribution : Guillaume Allardi, Lauriane Escaffre (sauf le 13), Julien Gallée-Ferré, Frédéric Gustaedt, Yvonnick Muller, Marlène Saldana, Thomas Scimeca.
Mise-en scène, décor et lumière : Yves-Noël Genod.
Assistant du metteur en scène : Damien Chardonnet-Darmaillacq.
Petite amie du metteur en scène : Hélèna Villovitch.
Logos :
Antoine Beauville (La biscotte), la Bible (psaume), Francis Cabrel (La corrida), Michel Cassé, Damien Chardonnet-Darmaillacq (La voix des autres), Christophe (Les mots bleus), Pierre Corneille (Le Cid), Lauriane Escaffre, Julien Gallée-Ferré, Jean-Jacques Goldman (Pour que tu m’aimes encore), Frédéric Gustaedt, Johnny Hallyday (Hamlet), James Joyce (Ulysse), Antonija Livingstone, Fabrice Melquiot (Percolateur blues), Eddy Mitchel (Gwendolinda), Henry de Montherlant (Le cardinal d’Espagne), Yvonnick Muller, Parménide, Pierre de Ronsard (Mignonne, allons voir si la rose), Virginie Roussel (Creuser la montagne avec mes dents), Marlène Saldana, Thomas Scimeca, William Shakespeare (Hamlet, Le roi Lear, Richard III), Hélèna Villovitch…
Les Klingons
Au début, il était question qu’on fasse La planète des singes et j’y avais beaucoup réfléchi, mais finalement ça s’est transformé en Hamlet. Alors j’ai essayé de passer à Hamlet, mais La planète des singes et Hamlet continuaient pour moi d’être indissociables. Et puis, pendant cette période de réflexion, il se trouve que j’ai relu La grande traversée, l’épisode d’Astérix où il se retrouve chez les Vikings. Je me suis dit bien sûr, les Vikings, c’est les Danois, ça colle parfaitement avec Hamlet. Justement, j’avais déjà une fausse barbe et une perruque. Je me suis documentée sur la mythologie des Vikings et ça a été un moment intense pour moi, cette richesse, cette relation avec la nature. Pour les Vikings, l’homme est né de la terre, c’est une figurine de glaise qui accède à la vie. Y a aussi des nains, des sorcières, oui, ça aussi ça m’intéresse. D’autant plus que je n’ai jamais, jamais arrêté de penser aux Klingons. Les Klingons sont un peuple que l’on peut rencontrer dans Star Trek, et ce sont des guerriers qui boivent et qui ont le sens de l’honneur, comme les Vikings. Dans Star Trek, les Klingons sont joués le plus souvent par des blacks très grands, parfois roux. Ce sont des sortes d’humains, mais avec des arêtes sur le front, chaque arête est différente comme une empreinte digitale, et une chevelure superbe, en fait ils ont une espèce de tête de lion. Les Klingons sont un mixe de lion et d’homme. Le langage klingon est très particulier, aussi. Si je m’intéresse aux Klingons, c’est parce que j’ai une relation personnelle avec eux. Un jour, je regardais un épisode de Star Trek, où Odo reçoit une archive télépathique. Odo est un immortel, mais il souffre d’une maladie qui le fait peler, un peu comme une grosse feuille morte, il perd des morceaux de lui même. Donc il reçoit cette archive télépathique, appuie sur un bouton pour l’ouvrir et un guerrier klingon apparaît. Il délivre son message, qui est le récit d’une mission de colonisation effectuée par les Klingons. Il raconte la découverte d’une planète peuplée par une race qui ne s’est, en fin de compte, pas montrée digne d’être colonisée par les Klingons. Et cette race, ces habitants, ce sont les Saldana. Comme il se trouve que je m’appelle Marlène Saldana, j’ai bien sûr été particulièrement interpellée par cet épisode. Ça continue avec un tas de bagarres, les Klingons tuent un peu tout le monde, les Saldana aussi, et finalement on se rend compte qu’il s’agissait d’un virus, voilà. Aux Etats-Unis, il existe un Institut de langage klingon, et des milliers de gens ont appris à parler klingon. Ça pose évidemment de gros problèmes dans les hôpitaux psychiatriques, parce que de plus en plus de patients ne parlent que klingon. On manque de traducteurs. Le seul ouvrage qui ait été intégralement traduit de l’anglais vers le klingon, c’est Hamlet. J’ai eu l’idée d’apprendre des répliques d’Ophélie en klingon. Mon ami Lancelot m’a cité Deleuze voyant chez Melville son devenir baleine et chez Conrad son devenir nègre. Lancelot m’a dit qu’il voyait en moi mon devenir klingon. Je me balade dans la rue et j’observe les humains comme si j’appartenais à une autre espèce, avec un sentiment de pitié. Il y a aussi le dernier film de Coppola, où l’on retrouve Tim Roth, qui a joué dans la version de La planète des singes par Tim Burton. Il jouait le rôle d’un chimpanzé, à moins que ce ne soit un orang-outang, mais non, je crois bien que c’est un chimpanzé, en tout cas il était très méchant. Moi j’aurais bien joué Cornélius, dans La planète des singes. L’homme sans âge, de Coppola, c’est l’histoire d’un scientifique qui recherche les origines du langage, et par là les origines du temps. Il y a une histoire d’amour avec une fille qui souffre d’un genre de crises, elle a des spasmes, et elle régresse de plus en plus vers le langage premier. Et ce langage, qu’on n’entend pas vraiment, finalement, ça sonne un peu comme le klingon. C’est super beau comme histoire d’amour. On pense aussi à Faust, Dorian Gray, les Egyptiens, les Indiens. Et Coppola, c’est aussi Apocalypse now, et Apocalypse now, c’est inspiré de Conrad. En musique, ces derniers temps, j’ai beaucoup écouté Sun Ra, qui prétendait venir de la planète Neptune. Je ne sais pas comment on appelle les habitants de Neptune, des Neptuniens ? Mais Sun Ra disait peut-être plutôt venir de Saturne. Saturne qui mange ses enfants. Il y a une chanson qui s’appelle Nuclear War, qui dit que Einstein cherchait le secret de la vie éternelle mais que ses recherches ont abouti à la bombe atomique. Dans le Coppola, il y a l’idée de la vie éternelle, avec Tim Roth qui rajeunit après avoir été foudroyé. Dans le spectacle, je devais monter sur la tortue et dire « My mother is a fish », rapport à Faulkner et Ophélie. Ophélie en klingon. Et je parlais espagnol, aussi. Dans Chris Marker, Sans soleil, le Japon, la Pologne, la permanence des choses, c’est un peu ce qui traverse, tout ça. It is not especialy important if all we’re doing is dancing for ever on the edge of the abyss. Qu’importe si nous ne faisons que danser éternellement sur l’arête des abysses ? Et Emily Dickinson, le néant. Le monde est tout petit, rien que la rougeur du ciel avant que le soleil se lève, aussi tenons-nous par les mains pour qu’au chant des oiseaux aucune de nous ne manque. Et Angie Dickinson, forcément, qui se masturbe sous la douche et se fait tuer dans l’ascenseur par Michael Kane déguisé en femme. Tu l’as vu ? Non ? Ben voilà. Et Goya, beaucoup, beaucoup. Beaucoup. Mazepa, à un moment. Byron. Et Hugo, le roi qui sort du néant. Faulkner, beaucoup. Michel Cassé. Les conversations avec Rimbaud. Et Euripide. Et puis voilà.
Hélèna Villovitch (d’après et pour Marlène Saldana)
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