Sunday, July 23, 2017

« Eveillé, il achève sa vie dans une sorte de rêve continuel »

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« Y a forcément un peu d’amour dans un pli de peau quelque part. »

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L a Fin du monde est pour bientôt


J’étais dans un taxi avec une scientifique de haut niveau et de quatre-vingt-dix-sept ans, très alerte bien qu’une fracture du fémur la faisait boiter ; nous sortions du spectacle Le Syndrome de Cassandre et comme elle me disait dans quel domaine elle travaillait, je lui parlai de l’article du « Monde » que j’avais lu récemment sur l’encodage d’un fragment de film de Muybridge (une cavalière au galop) et son stockage dans l’ADN d’une colonie de bactéries, film récupéré ensuite à 90%. Alors elle me parla de l’extraordinaire découverte du CRISPR-Cas9 d’Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna qui permettait de couper extrêmement simplement, tout à fait facilement l’ADN de n’importe quoi pour y introduire, par exemple, ici, du stockage, là, des modifications. Cette femme de quatre-vingt-dix-sept ans, possiblement juive, je pensais (nièce de Claude Levi-Strauss, m’avait-on dit — mort, lui, à cent-un ans) dit devant mon effroi : « Oui, si Hitler avait eu ça, ç’aurait été épouvantable... » Ainsi ce que l'on avait cru devoir arriver inéluctablement dans cent, cinq cents ou mille ans, c’était maintenant. Le taxi roulait dans la nuit en évitant les travaux de l’été. Elle dit encore : « Tout ce que l’homme peut faire, il le fait, alors… », en évoquant les horreurs à venir.

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« Si je me bats tellement contre le réalisme et le naturalisme, c'est que les spectacles, pour réussir, doivent ressembler à des téléfilms. Même Tourgueniev, on en fait un téléfilm avec au premier plan l'histoire amoureuse. Il est insupportable de dépendre de producteurs qui, à la tête des théâtres, font subir à l'art un même contrôle que celui des images passant à la télé. »

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P aris, 22 juillet


Quand je lis quelque chose sur un spectacle, je me dis en général : « Mon Dieu, j’ai échappé à ça ! », mais c’est sans doute parce que les critiques professionnels et ceux qui s’y essayent, moi-même, nous parlons mal de la chose théâtrale — parce qu’au fond je suis bon public. Il y a des choses si admirables devant lesquelles, certes, je n’oublie pas que je n’ai plus de travail, mais je me dis devant ces choses : « Eh bien, ce n’est pas grave, quelqu’un fait le métier. » Pour arriver dans cet état de sur-disponibilité et de rencontre de l’admirable (qui est partout, au fond, massif), il n’y a pas deux solutions, il n’y en a qu’une, il faut être l’amant du hasard. Ce qui fait que je vais aussi vous parler forcément mal, une fois de plus, de quelque chose que j’ai vu tout à fait par hasard. Je serai bref. Je sortais du travail (un job d’été, il faut bien) ; j’étais fatigué, envie de rien, même pas de rentrer chez moi : mon petit deux-pièces. J’ai appelé une amie qui m’a répondu immédiatement (il faut, dans la vie, ce genre d’amie). Elle était avec d’autres amies à elle au théâtre Silvia Monfort pour je ne sais quoi, quelque chose qu’une comédienne de chez Mnouchkine lui avait recommandé, si je prenais un taxi, comme ça roule bien dans Paris en ce moment, quel plaisir Paris maintenant jusqu’au 15 août c’est tout à nous, j’avais encore le temps, c’était à 20h30, elle me prenait une place, bref : Le Syndrome de Cassandre, spectacle de clown de Yann Frisch, c’est extraordinaire. Tombé amoureux de ce pauvre bonhomme malheureux. Amoureux ! (Jusqu’au 29 juillet, 20h30, relâches les 23 et 24.)  

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