Tuesday, May 13, 2025

L e jeûne et la misère


« Quel est le point commun entrer danser et être amoureux ?… Ça se voit dans les yeux ! », affirme le prof. Alors je m’efforce de penser à Legrand. Mais je ne suis pas sûre que cela suffise. Alors je me mets du rouge à lèvres. Ça non plus, sans doute, ça ne suffira pas, mais c’est un début, ça montre que j'ai envie. Aujourd'hui, il y a aussi Cl. Ch. (pas Claude Chabrol, il est mort). Il y a longtemps que je ne l’avais pas vue, elle va normalement au cours du matin (dont j’ai été virée il y a qq temps : le niveau est trop élevé). Qu'elle est belle, Cl. Ch. ! Je regarde si elle a vieilli. Oui, elle a vieilli. Pour ça qu’elle est belle. Elle se laisse vieillir. Rien de plus beau qu’une femme qui vieillit. Elle est vraiment mignonne, craquante. Je ferais mieux de penser à elle. Mais ce qu’a oublié de préciser le prof, c’est qu’être amoureux ne suffit pas, il faut aussi être aimé pour que le regard brille, phosphore, il faut ce qu’on appelle maintenant le  « consentement » (la réciprocité) pour que ça marche. Sinon c’est un regard malheureux. Il y en a plein, à Paris (ville des amoureux pourtant), des regards malheureux, pas seulement au cours de danse, des regards retenus dans un filet, noyés, lestés d’un poids qui empêche l’air libre, le vol, la danse, l’amour, la joie-de-vivre. A mon âge, je ferais mieux de m'intéresser au butō. Des vidéos de Kazuo Ōno traînent sur IG en ce moment. Il a l’air amoureux. Et pas mal de rouge à lèvres aussi. Je l’avais vu une fois au Théâtre de la Ville. Sa dernière tournée. Sa der de der. Claude Régy à qui j'en avais parlé avait fait l'étonné : « Cette vieille tata ? » C’est fou ce que les pédés peuvent être transphobes ! Comprenait pas l’engouement qui se faisait autour de Kazuo Ōno. A Claude, j’avais peut-être cité Robert Bresson dont je lisais les Notes, à l’époque (maintenant c'est Bobo qui me les souffle) : « Plus grande est la réussite, plus elle frise le ratage (comme un chef d'œuvre de peinture frise le chromo) ». Le sens d’un poème doit être secret, apparaître et disparaître si on le retient. J’ai toujours aimé les vieilles dames. A Marguerite Duras je disais parfois : « Oh, comme vous êtes jolie aujourd’hui ! » C’était vrai, certaines fois, elle était très jolie. Alors elle se tournait vers son compagnon qu’elle regardait en contre-plongée (genre Edith Piaf et Théo Sarapo) et elle lui disait : « Vous avez entendu, Yann ? » Elle pensait à l’évidence (et lui faisait savoir) qu'il ne le disait pas


L’incompréhension des hommes et des femmes, en écrire qqch. C’est quand même la grande histoire. Archi millénaire. Et, moi qui suis un peu Thirésias, je pourrais peut-être imaginer en dire something. A voir
Mais qui n’en a pas parlé ? (« Amour cruel / Comme un duel »)

Maintenant la nuit viendra. Summum.

« Joie / Et douleur c’est ce que l’amour engendre » (Serge Gainsbourg)

La chaleur, tout ce qui nous est donné

J’accuse mon époque de ne pas s’attaquer à l’horreur, véritablement à l’horreur

« Je hais plus que tout les ténèbres »…

J’étais solitaire, c’était facile. C’était à Paris, j’avais des amis, tout était donné. La solitude est sans doute terrible quand tout est mort autour de soi — et l’on s’en rapproche quand au moins on n’a pas d’enfants, pas de famille, pas d’enfants d’amis et c’est bien vrai, ce qu’elles disent, les vieilles dames… mais j’étais seule dans une espèce de printemps (je n’allais pas faire comme cette actrice de 95 ans qui en paraissait 25 qui clamait qu’elle vivait le plus bel âge et qu'elle en avait fait un livre

C’était « nourrisson » mais j’entendais « hérisson ». C’était le mot « paillasson » aussi. « Vous trouvez un nourrisson abandonné sur votre paillasson... »

Dans la profondeur du monde, la rive du monde
Puisqu’il fait beau temps, la lumière intellectuelle…

Dieu, « une lumière invisible, l’infinie vérité, la cause de chaque vérité et de toutes choses, dont la splendeur, ou plutôt l’ombre est cette lumière visible et finie cause des choses visibles » (Marsile Ficin)

« Don’t chase, attract »

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