Deux filles formidables sont arrivées, Alix et Armelle, donner des forces à la dernière semaine. Armelle, tout à l’heure, nous a lu du Anaïs Nin, on peut dire, à la perfection. J’ai demandé à tous, tout à l’heure, comment allaient se passer les derniers jours, pour ne pas dire les dernières heures, pour ne pas dire les dernières minutes, pour ne pas dire les dernières secondes – bref : ça va passer vite. J’étais content de mon effet. Le travail sur
La Chevauchée nous éblouit. Bénédicte dit : « Toutes les informations de l’humanité sont décalées. Ce qui fait l’esprit – ou l’âme – de quelqu’un est décalé. Comme si ça circulait. Comme si y avait une âme et qu’elle bougeait d’un corps à l’autre. Parce qu’on croit toujours qu’on est fixe. Et si on imagine qu’on n’est pas si fixe que ça… Du coup, il essaie de piéger ça dans plein de principes (sociaux…), de trouver les pièges à ça pour que ça apparaisse (dans l’imitation, la gémellité, faire faire ou imiter… même un état… Il quête ça. L’affect… » Donc la journée a été belle. On a réussi à éviter (contourner) les plaintes. Il faut dire aussi – ça n’y est certainement pas pour rien – que le temps est meilleur. On a moins froid. On arrive à travailler (je veux dire : sans les plaintes, éternelles plaintes qui abattent). On arrive même à jouer la scène difficile des sœurs Kessler, dans
La Chevauchée, la scène qu’avait ratée Claude Régy. Alix a le costume et le corps parfaits : elle joue les deux, Alice et … Kessler, ça marche bien. Armelle joue la femme au fichu et joue aussi la poupée-enfant qu’elle tient devant elle, ça marche aussi… Il y a des scènes de couples qui marchent entre Aurélie et Vincent, Aurélie et Guillaume, Pauline et Vincent. Il faudrait que ça marche aussi entre Guillaume et Laurence et entre Guillaume et Alix… Boutaïna est Bovary de nouveau. On a longé la rivière, l’Ance et on est allé dans une prairie qu’on a inventée (en remontant la rivière). Tout le monde, je crois, a été heureux de ce voyage en pays intérieur : une prairie, au mois de juin, au moment des plus longues soirées de l’année… Vivants ! C’est la nuit, j’ai rejoint la caravane, c’est la pleine lune, on se lève à trois heures pour partir au volcan à trois heures et demie pour arriver vers quatre heures, jouer pendant une heure dans la nuit, puis l’aurore, puis l’aube et on verra jusqu’où on ira dans la matinée – voilà le projet. Tout le monde a l’air partant, enthousiaste. Sauf Aurélie, peut-être, qui, bien sûr, veut venir, mais qui insiste beaucoup pour savoir à quelle heure elle pourra se recoucher après. Nous sommes heureux. Comme souvent, la sensation d’une parenthèse. Qqch s’ouvre : une parenthèse. Dans la dépression générale. Mais l’eau coule, l’eau coule, vivante et les petits animaux aussi se posent les questions du monde. Nous ne sommes pas les seuls. Pas les seuls. Les herbes tendres, les herbes folles et l’acoustique de la soirée d’été, tout parle, tout rêve, tout vit. Nous étions dans le champ d’œillets de
Nelken… Et Anaïs Nin rencontrait Antonin Artaud, revenait baiser Henry Miller, se regardait dans le miroir, songeait qu’elle était une tigresse… Et madame Bovary succombait à Rodolphe…
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