Un portrait par Olivier Steiner
O S, d'après Patrick Laffont.
Yves-Noël Genod
17 janvier 2011
Il a besoin de toucher, il a besoin de fouiller.
Quand il le fait, quand il touche, quand il fouille, il révèle.
C’est plus fort que lui. Beaucoup plus fort que lui.
C’est comme ces enfants pas sages et trop curieux qui cassent leurs jouets.
Pour mieux voir à travers, pour voir comment c’est fait.
Pour voir comment réparer.
La première fois, dans ce café de bobos, rue du Faubourg Saint-Denis,
il m’avait demandé calmement, très doucement,
si j’étais une pute, si j’avais fait la pute.
Et calmement, très doucement, j’avais dit oui,
je ne pouvais pas dire autre chose que oui.
Son regard s’était alors rempli d’un sentiment vicieux,
puis innocent, du vif-argent.
Nous étions sortis du café, il faisait nuit.
Nous étions partis acheter des perruques,
comme ça, pour voir,
pour un spectacle, pour faire comme si.
Les perruques lui vont bien. Il n’est jamais ridicule.
Il y a trop de présence en lui pour laisser de la place au moindre ridicule.
Il est attardé dans l’enfance.
C’est un sale gosse.
Un mécréant.
Mais il ne faut pas s’y tromper.
Il est aussi fragile que les coquelicots sur le bord des routes.
Aussi commun, aussi rare, aussi voyant.
Avec lui, c’est « la pudeur des sentiments,
maquillés outrageusement
rouge sang ».
Mais « la peau est d’une somptueuse douceur.
Le corps. Le corps est maigre, sans force, sans muscles,
il pourrait avoir été malade, être en convalescence,
il est imberbe, sans virilité autre que celle du sexe,
il est très faible, il paraît être à la merci d’une insulte, souffrant. »
Duras et Gainsbarre.
Il est terrible.
Là où l’on croit le trouver, on ne le trouve pas.
Il est exactement le contraire d’un personnage narcissique.
Vraiment. C’est étonnant.
C’est étonnant ce faux-semblant.
Le premier qui lui fait du mal.
Désormais.
Je le tue.