Friday, September 08, 2017

L a Fourrure

Titre pour Un roman un petit peu léger (ou un film):
Les Poils de Natacha

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Titre pour un roman :
Une brume intérieure

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L a Drôme



T exte du début


(Je devais dire le texte de Francis Ponge, mais comme il nous a semblé trop long — et peut-être que je ne le faisais pas très bien — je le résume ainsi) 

Lorsque Olivier Mantéi m’a proposé de rejoindre deux chanteurs barytons de la nouvelle troupe de l’Opéra-Comique et leur pianiste — il ressemble, le pianiste, vous verrez, à Claude Debussy autant que moi à Iggy Pop — pour un premier Porte 8 de cette saison, j’ai proposé de m’en prendre à Rimbaud. (Oh, il a tout vu Rimbaud, ça ne va pas le faire se retourner dans sa tombe.) Et, en particulier, aux Illuminations parce que dans les Illuminations, Rimbaud parle de l’opéra-comique. C’est une chose qui n’a pas échappé non plus à Francis Ponge, figurez-vous, le grand poète du XXe siècle, l’auteur du Parti pris des choses, de La Fabrique du pré, etc. puisque, comme l’Opéra-Comique — alors, ça se passe dans les années 50, 1950 — après un « exode », dit Ponge, donc ils ont quitté la maison — exactement comme il vient de se passer ces deux dernières années — un exode dû à de gros travaux concernant la modernisation de l’installation électrique, et — donc — le directeur — ou je ne sais qui — lui avait passer commande, à Francis Ponge, d’un texte pour rendre compte de cette modernisation ; alors on lui fait tout visiter des dessous aux cintres et bien sûr il trouve que c’est un des plus beaux spectacles en soi qu’il ait jamais vu — de la même manière que Baudelaire disait, si vous voulez : « Ce que j’ai toujours trouvé de plus beau dans un théâtre, dans mon enfance et encore maintenant, c’est le lustre — un bel objet lumineux, cristallin, compliqué, circulaire et symétrique ». Si vous voulez . Bon, ce texte allait être publié dans la « Revue de l’Opéra » de l’époque. Et Francis Ponge pense tout de suite à appeler son texte — ou peut-être pas tout de suite, après tout j’en sais rien… mais enfin il appelle son texte « Les Illuminations à l’Opéra-Comique » et bien entendu dans ce texte où il va vanter les nouvelles installations électriques, il va aussi, d’une manière virtuose (car tout est mêlé) détourner la commande pour parler aussi, en fait, de la modernité littéraire citant à qui mieux-mieux Rimbaud et Mallarmé — bien sûr — mais aussi, curieusement Agrippa d’Aubigné qui, après la Saint-Barthélemy, note : « Huit jours après le massacre, il vint une multitude de corbeaux s’appuyer sur le pavillon du Louvre ». Ou bien encore (moins curieusement) la célèbre phrase d’Héraclite : « Pour que la lyre sonne, il faut qu’elle soit tendue », précisant que la lyre à laquelle il pense ici est la lyre des lumières, mais d’une tension de douze mille volts quand même, ce qu’on appelle une assez « haute tension », voyez. La poésie n’est qu’ambiguïté, multivocité, ainsi le poète peut-il jouer au moins sur les double-sens et Francis Ponge ne s’en prive pas. C’était assez drôle, d’ailleurs, de tomber sur ce texte datant du milieu des années 1950 alors que j’étais plutôt dans les années 1870 et que  je cherchais, en fait, à mieux imaginer comment Rimbaud et Verlaine, ces sacrés loustics, allait à l’opéra parce qu’ils y allaient quand ils étaient ensemble à Paris — et ils avaient des airs dans la tête, des airs d’opéra-comique ou d’opérette… Rimbaud sans doute lisait des partitions… Il a fait du piano, aussi Rimbaud, ouiouioui, et figurez-vous que la belle-mère de Verlaine était la prof de piano du jeune Debussy, quand même, hein ? Bon, de toute façon, il n’y avait ni la télé ni le cinéma ni les réseaux  sociaux, il y avait — qu’est-ce qu’il y avait à la place ? — ben, il y avait la mémoire, la mémoire des choses, et cette mémoire est aussi bien, dans le cas de Rimbaud (et de Verlaine), celle de la grande littérature que celle de l’art populaire, Il y a une lettre de Verlaine qui dit à Rimbaud : « Parle-moi encore de Favart ». Rimbaud trouvaient beaucoup de poésie aux livrets de Favart. C’est lui qui l’a fait connaître à Verlaine (ce qui a donné chez Verlaine les « ariettes oubliées », « Il pleure dans mon cœur, comme il pleut sur la ville, etc. » Et Delahaye qui était un  copain de Rimbaud, mais une sorte de disciple aussi, qui a pris beaucoup de notes et qui a écrit deux livres et aussi beaucoup de lettres à Verlaine et à d’autres à propos de Rimbaud — « ce passant considérable » comme l’a appelé Mallarmé — raconte qu’une fois, au cours d’une promenade autour de Charleville, ils entonnaient tous les deux le couplet des Cents vierges de Lecoq, un opéra-bouffe créé en 1873. Bon. Et alors, notre Francis Ponge, où il en est ? Eh bien, il commence par se promener dans les troisièmes sous-sol, c’est-à-dire dans les Enfers, il y a des grilles avec des têtes de mort (sans doute des armoires électriques) et il dit qu’il ne voit pas le tigre, mais qu’il le sent, le pressent et que ce fauve invisible se manifeste par des étincelles, des éclairs électrique et puis ensuite on le fait sortir de là et il se retrouve sur la scène et tout d’un coup le tigre du Bengale se transforme en bengalis, et la ménagerie en oisellerie. Alors, là, il cite Rimbaud : « Millions d’oiseaux d’or, ô future vigueur ! » D’ailleurs, ce matin, par hasard j’ai lu une expression d’Edouard Glissant qui était à n’en pas douter dans des problématiques rimbaldiennes et il dit (à propos de la « pensée du tremblement ») : « comme un oiseau innumérable », voyez. Alors, devant tous ces projecteurs, Francis Ponge se demande : « Comment se peut-il que tout cela ne serve qu’à éclairer un peu mieux le passé, quelques comédies à ariettes, que nous goûterions aussi bien aux chandelles ? Ne se peut-il, comme le suggère le poète des Illuminations, que (ouvrez les guillemets) « les accidents de féerie scientifique… soient chéris comme restitution progressive de la franchise première » ? J’ai toujours soutenu, pour ma part, qu’au point où nous en sommes, ce n’est pas un utopique retour en arrière mais, seul, un progrès nouveau et décisif dans l’artifice, qui peut nous rendre notre naturelle liberté. » Et il termine, Francis Ponge, en proposant que sur le modèle du défilé du Corps de ballet de l’Opéra, on dresse, une fois l’an, à la place de la toile de fond — on fasse un spectacle et on dresse un mur de miroir qui permette de montrer ce qu’on ne voit jamais, c’est-à-dire toute l’artillerie des projecteurs. Une anecdote : quand il a entendu ce texte, Philippe Estèphe (le plus jeune de nos barytons à qui je vais bientôt céder la place) s’est exclamé : « Oh, c’est une idée formidable, ça va sûrement plaire à Olivier Mantéi. Tu vas voir, il va la reprendre ! » Ben, on va voir… « Ne durerait-il que quelques minutes, ce spectacle renversé (me référent une fois de plus au prophète des Illuminations), qu’y verrait-on ? « Des oiseaux comédiens [Francis Ponge  transforme un peu la citation de Rimbaud qui dit, lui, « des oiseaux des mystères »], des oiseaux comédiens s’abattent sur un ponton de maçonnerie mû par l’archipel couvert des embarcations des Spectateurs. » Puis « la féerie manœuvre au sommet d’un amphithéâtre couronné de taillis, ou s’agite et module pour les Béotiens dans l’ombre des futaies mouvantes, sur l’arrête des cultures », pour qu’enfin « l’Opéra-Comique se divise sur notre scène à l’arrête d’intersection de dix cloisons dressées de la galerie aux feux ». Et Francis Ponge termine en disant, ce qui s’applique parfaitement à notre situation : « Oui ! Maintenant que le vin est tiré, il faut le boire : qu’on songe seulement à ce miroir de fond. »

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