Cher Yves-Noël,
Merci pour votre message, votre retour sur mon livre… ne pas perdre l’énergie de l’enfance ?… vous avez raison je crois qu’il y encore une part d’enfance en moi, de naïveté et dans un certain sens d’illusion parfois même… pas toujours facile vivre…
Je voulais encore vous dire combien nos amis et connaissances ont apprécié ce voyage poétique en votre compagnie.
C’était étrange le lendemain, j’avais le sentiment d’avoir tout oublié de n’avoir plus qu’une impression globale de ce moment particulier et au fil des jours des bulles sont remontées à ma conscience pour ma plus grande joie! Cette fois je les ai notées...
Par contre je n’arrive pas à me rappeler de la phrase d’assez au début que je vous avais demandé de répéter, si vous vous rappelez de laquelle c’est, pourriez-vous me l’envoyer? j’aurais vraiment du prendre des notes…
Avec Matthias nous rentrons d’une visite chez mon parrain Gilbert Vincent, ami de Gustave Roud et Philippe Jaccottet. Nous sommes allés dans sa patrie sur les hauts de Lausanne à Savigny dans les grands espaces de la campagne vaudoise avec des maisons d’époque comme le vieux collège...et avons bien pensé à vous également.
Voilà si jamais vous revenez par ici c’est avec joie que nous vous accueillerions pour un nouveau voyage poétique…à Chézard!
Bon courage pour le chaos de Paris et de la France actuelle…et bon tri dans la maison de vos parents…cela doit être étrange...
Je suis vraiment heureuse d’avoir répondu à la proposition de Yann Walther du Pommier et vraiment enchantée de vous avoir ainsi rencontré chez nous, si simplement finalement…Merci, merci, merci
Manon retouche encore les photos qu’elle a faites et je vous les enverrai bientôt
Avec mes bons messages
Anne
Merci, Anne !
Je vous envoie (en pièce jointe) les papiers que j’avais sous les yeux ce soir tout particulier — qui me restera je crois longtemps en mémoire —, il se peut que vous y retrouviez votre citation ; il se peut aussi que je l’aie rajoutée de mémoire, mais, dans ce cas (j’ai oublié, comme je le fais parfois, d’enregistrer), je ne vois pas de quoi il s’agit…
Je pars au ski quelques jours en Haute-Savoie, un peu d’air frais comme vous le connaissez plus quotidiennement que moi…
Au plaisir !
Yves-Noël
Merci à Manon pour les photos !
Cher Yves-Noël,
J’espère que vous allez bien et que vous avez eu de belles journées de ski et d’air frais.
Je vous remercie infiniment pour les papiers de votre performance, quel cadeau, c’était délicieux de les relire et je les relirai encore et surtout, j’ai retrouvé cette phrase qui m’avait tant marquée :
une phrase de Marguerite Duras qui dit : “Mais parler des problèmes de l’humanité, cela ne veut rien dire, hein? Mais parler des problèmes de l’humanité, cela ne veut rien dire : la bataille incessante, / jour après jour,/on la mène avec soi, /par la tentative de résoudre son ir-ré-so-lu-bi-li-té.”
irrésolubilité, ça veut dire qui ne peut être élucider, recevoir de solution.)
J’ai toujours de la peine à me lancer dans des grands débats sur les grandes causes de l’humanité, je n’arrive pas à accrocher dans ces discussions trop générales pas que le sort de l’humanité m’indiffère mais en parler des heures m’ennuie, ne me touche pas (cela reste des concepts dans ma tête et je décroche)… je peux accéder à l’humanité par les expériences personnelles qui sont justement faites de ces combats internes et combien parfois puissants et ravageurs qui sont déjà toute une montagne d’insolubilité tant à travers les miennes qu’à travers les expériences particulières, uniques des personnes que je rencontre, que j’aime, que j’accompagne…pour cela je suis parfois un peu sauvage, en marge de la foule…comme un besoin immense d’élucider un tout petit peu tout cela...
Cette question de l’irrésolubilité a quelque chose de vertigineux qui frise l’absurde par moments et pourrait me donner par moments le sentiment que le passage sur cette terre est finalement assez vain, c’est selon le point de vue…
Votre performance m’invite vraiment à aller relire Jacottet, Roud, Alice Rivaz, Marguerite Duras, Rilke et tant d’autres… pour cela merci aussi.
Je suis également partie au frais dans le pays d’En-Haut vers Chateau d’Oex ä Rossinière pour marcher, me reposer, écrire, lire et voilà que je tombe malade! la vie est amusante quand le corps sent qu’il peut se relâcher, toute la fatigue ressort avec une force un peu désarçonnante… rien de grave un bon refroidissement et aujourd’hui je reprends contact avec le monde…
Voilà, désolée de vous avoir raconté mes petites histoires, c’est venu comme cela, je vous souhaite encore un bon dimanche et à une prochaine
bien à vous
Anne
Ça me fait très plaisir que vous me racontiez vos petites histoires ! Je vous conseille aussi André Dhôtel vers lequel je reviens par Philippe Jaccottet (chez Fata Morgana, de Philippe Jaccottet : ‘Avec André Dhôtel’). Voici d’ailleurs un passage d’André Dhôtel qui risque de vous plaire, qui me rappelle vos Mandalas :
« Je suis obligé de gagner de l’argent, vous le savez bien, et personne n’a jamais pris la peine de m’instruire. Pourtant, je me pose des questions sur certaines choses dont j’ai entendu parler. J’ai entendu parler de la pensée. Qu’est-ce que c’est que la pensée ? Après bien des jours (il s’éloignait et revenait) j’ai compris que c’était un abîme (ses épaules balançaient le fardeau), un abîme vraiment impossible à combler. Il n’y a rien dans la pensée. Je l’ai su en regardant les plantes. Elles sont toutes pareilles à des constellations. Des lignes ou des points dans les nuits et dans les jours, et dans l’univers. L’univers vagabonde comme un enfant à travers ses abîmes. Mais il n’y a rien, absolument rien, que le temps de Dieu, que chacun mesure à sa façon. Et tout cela, c’est une gloire immense, puisqu’il n’y a rien nulle part et que pourtant quelqu’un sait. Je regarde bien des choses pendant ma journée : la fourmi qui s’avance, les papillons qui construisent des triangles et des chemins, l’araignée qui descend, qui monte et qui attend, les fleurs qui s’ouvrent. Car je peux voir, moi qui passe, et repasse toujours, les fleurs bourgeonner, grossir, trembler et s’ouvrir avec une douceur aussi puissante que le tonnerre. Toutes ces choses sont des horloges, et l’on ignore le cœur de ces horloges parce que c’est aussi un abîme. Il y a des milliers d’abîmes qui s’entrecroisent. Et vous dites voilà une fleur, voilà un chien, voilà un homme. Chaque fois que vous dites cela, vous prononcez un mot aussi grand que le ciel. Si vous revenez me voir un jour, je vous parlerai des pluies que j’ai contemplées sur la route, des jeunes filles, des vieilles femmes qui y sont venues. Je suis en service à la scierie depuis trente ans, quoique je n’aie pas toujours fait la même besogne. Mais sur la même route, j’ai vu les mêmes visages changer, changer, et les yeux seuls demeuraient éternels. Sans rien comprendre, j’ai vu sur la route les éclairs de nombreux orages (crimes ou colère comme en moi ou en vous, passants). Et plus tard le ciel dormait dans les flaques d’eau. »
Bien à vous, portez-vous bien, vous et tous vos proches,
Yves-Noël
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