Wednesday, April 02, 2014

V endre son poisson






Photos Rémy Artiges (pour le portrait des « Inrocks »)

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S ou-blime !


Comme c’est difficile, ce spectacle ! On en perd des morceaux d’un jour à l’autre. Ce soir, c’était la fin (on ne l’avait jamais perdue et puis, pfft ! passée de l’autre côté (du côté du kitsch)). C’est difficile, c’est délicat… L’état de l’apparition… C’est pour ça, moi, je trouve qu’il vaut toujours mieux venir aux avant-premières, c’est encore le moment où le spectacle est pur, est inconnu, où on nous fout la paix. Là, tous les avis — et c’est génial aussi, obviously ! —, mais on est trop frais pour ne pas se faire un peu valdinguer par les salles… trop pleines pour l’état du travail où on est, le fil, le fragile, l’apparence… On me dit : « Oh, le moment où tu danses, c’est génial ! », alors je prends la grosse tête (je finis pas prendre la grosse tête : je suis donc un génie de la danse). Heureusement, Eszter Salomon m’a recadré. Ça m’a fait du bien. Il faudrait que je me filme pour me rendre compte vraiment de ce que je fais, plutôt que d’écouter les uns et les autres. Mais la fin était ratée, ça, je l’ai ressenti et Eszter Salomon aussi et Guillaume Désanges aussi. Ça suffit pour que j’en sois sûr (par ailleurs Eszter et Guillaume ont aimé : comme moi, j’ai aimé jusqu’à la fin que je n'ai pas aimée. Une chose étrange, les 2 premières avant-premières ont mis des gens en larmes (ça ne m’était jamais arrivé…) et, je crois, que, dès la troisième avant-première, c’était fini : plus personne ne pleurait… Ah, là, là, comme tout cela est fragile, volatile, entre la vie et la mort, comme disait Nathalie Sarraute. Demain, on ne joue pas à cause d’une location de salle à une boîte privée qu’on avait acceptée parce qu’elle allait nous donner 5 000 € de plus et qui n’a pas marché, mais on filme et on enregistre, on va se recalmer… C’est dur, cette salle, je veux dire, pour nous, d’atteindre les gens trop mal placés. On se relève au salut : y a des rangs entiers à l’étage disparus (alors qu’en bas, ça applaudit chaleureusement !)
Enfin Rémy Artiges a aimé, j’ai l’impression qu’il est sincère. C’est l’essentiel. J’aime beaucoup Rémy Artiges, j’aimerais être son ami. C’est lui qui a tiré la photo parue dans « Les Inrockuptibles » et il m’a dit : « Si j’avais su que c’était aussi beau, ce que tu fais, je me serais appliqué, on aurait fait mieux. » Mais les photos sont sublimes, ça me va très bien.

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L e Temps retrouvé


Olivier Steiner
« Regarde, Quelque chose a changé, L'air semble plus léger, C'est indéfinissable... Regarde, Sous ce ciel déchiré... Tout s'est ensoleillé, C'est indéfinissable… » (Barbara.) Il est toujours aussi blond platine sale mélangé, il porte le costume Dior à paillettes, comme un pyjama, la coupe de champagne est toujours là, offerte au public par un beau comédien en smoking no smoking. Tout est pareil mais quelque chose a changé, c'est imperceptible, c'est dans l'air. Plus de pitreries, plus de grotesque (ou très peu), c'est une messe païenne qui commence et recommence. De toute façon, dans ce lieu incroyable, Les Bouffes du Nord, que peut-on faire si ce n'est jouer pour les murs, jouer en mémoire des murs, jouer des Amen et des Alléluia, des Gloria in excelsis Deo ? J'ai toujours aimé le théâtre d'Yves-Noël Genod, parfois je suis fan, parfois spectateur attentif, incrédule ou charmé. Parfois, ce que je peux lui reprocher, c'est le côté entre soi, codé, endogamique malgré le discours exogamique. Là, aux Bouffes du Nord, rien de tel. Yves-Noël nous montre (nous offre) la grâce, ses grâces, l'abandon, quelque chose comme un secret entre les pierres et Dieu, rien que ça. Je sais qu'Yves-Noël adore le mot sublime, « sou-blime », s'oublimer comme s'oublier. Il dit toujours ce mot de sublime en se moquant, de lui-même et de cette idée un peu lourde. Le sublime chez Yves-Noël (chez ou du côté de chez Yves-Noël) n'est pas un qualificatif. Il ne s'agit pas de telle chose ou tel instant sublime, il s'agit du sublime, comme un monde en soi, une chimère peut-être, mais une chimère vers laquelle on peut tendre, qu'on peut regarder. Et si le temps passé à regarder le sublime était le seul temps qui ne soit pas perdu ?

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O teatro e seus fantasmas sagrados


Un sublime portrait amoureux que m’adresse Marie Plantin (je le ressens comme ça). C’est incroyable, la sensation d’être compris à ce point… Est-ce que donc nous pourrions être vivant parmi les vivants ? Pendant un moment… Des phrases comme celle-ci : « Il n’y a pas de moule, pas de cadre contraignant, pas d’idée ou de déplacement préconçus mais un plateau nu comme une terre d’accueil et le volume du théâtre autour. » Un plateau nu comme une terre d’accueil... oui, c’est comme ça que je vois la vie, ma vie toute entière et la vie de tous… et le volume du théâtre autour, oui, la matrice, le temple, la forêt, le bateau, le voyage immobile… O mes théâtres, ô mes espaces, mes paradis et mes enfers, mes ténèbres et ma transparence, ô mes étés, ô mes hivers, ô mes velours, ô mes amours, ô mes vaisseaux, ô mes oiseaux, vous avez tous le ciel immense d’un MÊME ET MULTIPLE PAYS ! (Bouffes du Nord.)

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