Merci de ces retours, cher ami ! Je n’en espérais pas tant ! Oui, c’est fait de bric et de broc, le théâtre, dans l’urgence (dans mon cas) et dans l’instinct (et, en l’occurence, dans la maladie). Il faut faire qu’un spectacle se tienne — et on ne sait pas comment. Artisanat. C’est pour ça que je suis loin de mépriser Fabrice Luchini comme vous, il me semble qu’il fait tenir quelque chose de formidable — peut-être au détriment d’autre chose, certainement, mais enfin... Enfin, rien d’original à ce que je dis : tout fait tenir quelque chose et, par exemple, je suis rentré « comme dans du beurre » dans Hopkins Forest parce que j'ai vu le nouveau Alien : le poème de Yves Bonnefoy me donnant soudain exactement ce dont j’avais été frustré en visionnant Alien (qui en partage pourtant l’imagination de l’espace). Par exemple, oui, Le Cygne, il en manque un bout parce que j’étais trop nul, c’est honteux à dire, j’ai enlevé quelques strophes parce que je les disais mal ! au lieu de faire un effort et de recommencer (mais l’effort, dans mon cas, ne mène qu’au pire). Etc. Des bouts de ficelles, assumés, quand même. Par exemple, toutes les erreurs de diction sont gardées, les reprises... dans le cas où la première prise, comme souvent, est meilleure que la suivante où j’ai rectifié les fautes. Mais il y a quand même beaucoup de choses qui m’abîment les oreilles dans ce fatras, et c’est pour ça que je suis passé de 2h30 au Rond-Point à 1h45 au Point du jour (à Lyon) : j’en ai enlevé simplement parce que c’était mauvais ! Je ne veux pas me rabaisser : ce qui reste, souvent, m’émerveille, pas d’une manière narcissique, mais parce que j’entends des choses incroyables qu’en effet, comme vous dites, je n’entends pas en silence quand je suis seul ; il y a donc un dépassement (qui me ravit). Le truc sur l’ « animalisme », c’est un morceau d’une chronique dans « Libé » de Paul B. Preciado et ça n’a donc rien à voir. Et il y a même un poème de Houellebecq à l’intérieur de ce noir de capharnaüm. « Ma vie, ma vie, ma très ancienne, Il a fallu que tu reviennes… » (quelque chose comme ça). Le côté Grand-Guignol est un peu gommé peut-être par rapport à la version d’Avignon (qui se jouait comme dans un tombeau circulaire), mais quand même pas complètement ; au Rond-Point : train fantôme… Bien sûr que c’est Jeanne Duval dans L’Heautontimoroumenos, je fais l’idiot, ne faites pas attention (ça détend le public de faire l'idiot). Non, le poème qui m’avait fait peur, le jour de la générale, c’est La Destruction. « Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon ; / Il nage autour de moi comme un air impalpable ». (Je lis d’ailleurs, à l’instant, dans Pierre Michon : « Le Prince des Ténèbres, on le sait, est aussi le Prince des Puissances de l’air ».) Dans le noir, quand j’étais en live dans ce tombeau de la Condition des soies (salle ronde en pierre), je vous assure que j’ai eu les chocottes : et si c’était vrai ? Je me suis arrêté là. Les autres soirs, ça a été… (ce n’était déjà plus aussi vrai).
Voilà, vous savez tout et je promets de dire tu quand on se revoit,
YN
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