« Il y a tant de choses que j’aurais aimé faire et
que je ne ferai jamais : être musicien (chef d’orchestre surtout — mais je me
débrouille pour l’être quand même un peu, j’en singe assez bien les gestes en
tout cas), être chorégraphe et savoir écrire des romans. Il peut m’arriver de
savoir faire bouger les corps — et je pense même que j’ai une façon bien
particulière de les faire bouger, un instrument que je me suis forgé au fil des
années et qui vient de l’usage malheureux que je fais du mien. J’admire la
danse contemporaine, j’admire sa vitalité qui me semble comme à beaucoup
souvent supérieure à celle du théâtre aujourd’hui — parce qu’elle reposerait
sur une discipline supérieure ? C’est un art dont je rêve de pouvoir
m’approcher, une vitalité que j’envie et que je voudrais voler. Mon domaine, ce
sont les textes, les mots : donc les faire vivre, les incarner dans des corps.
Faute de mieux, il peut m’arriver de copier les chorégraphies des autres, la
science et la musique des autres, les romans que je n’écrirai jamais, les
musiques que je ne composerai jamais. Je suis un voleur à l’étalage, un pilleur
malin qui prend son bien là où il le trouve et qui mange à chaque repas toutes
les personnes et les œuvres qu’il admire. »
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