L e Cinéma du réel et le cinéma de la connerie
J’ai vu un film formidable, sublime, ce soir, par hasard. C’est au Cinéma du Réel, un festival qui vient de commencer, au centre Georges Pompidou, un festival de documentaires. J’avais à me laver d’une fiction affreuse que j’avais vue la veille, presque au même endroit, au Mk2 Beaubourg, j’y étais allé parce que le rôle principal est tenu par un acteur que j’aime beaucoup, avec qui j’ai beaucoup travaillé et j’ai aimé passer la soirée avec lui, mais c’était tout, le film était tellement pénible, faux. Il y avait une longue interview des deux réalisateurs sur Diacritik, je l’avais lue et je m’étais dit que, sans doute, ça n’allait pas être si nul. Parce que je me méfie du cinéma français. Mais, là, pas assez. Pourtant cet entretien aurait pu me mettre la puce à l’oreille : pas une seconde du film qui ne soit surexpliquée, surjustifiée, on prouve qu’on est des laborieux, comme sans doute ce couple de réalisateurs (parité) a dû devoir le prouver sans discontinuer pour leurs demandes de subventions. Le film est tellement mauvais et tellement friqué (des dizaines de personnes payées au générique) que je me suis demandé si ce n’était pas du blanchiment d’argent sale, ce film, je ne voyais pas (le film n’est distribué que dans deux salles et, vendredi soir, on n’était pas trente dans celle où j’étais coincé). Mais on m’explique maintenant que, non, c’est de l’argent de subvention. De l’argent de subvention ! Ces gens (avec leur producteur) ont donc ce talent : savoir demander et empocher. Moi qui n’en touche aucune, de subventions, je me sens le droit de dénoncer les fabricants de navets qui en touchent grave, vous pensez que j’ai tort ? Je me suis aussi demandé si le film aurait été meilleur s’il avait été sans fric, personne de payé. J’ai bien réfléchi et je pense que, oui, le film aurait été meilleur, vraiment meilleur, s’il n’avait pas touché d'argent, s’il n’y avait pas eu surtout ce temps passé à chercher de l’argent, à justifier tout. Il faut arrêter avec ces subventions de merde qui détruisent tout ! J’avais aussi pitié de cet acteur, mon chéri, qu’il ait à s’emmerder comme ça à faire des films pareils ! C’est terrible, le cinéma, la différence entre les chefs-d’œuvre (et ils sont nombreux) et les navets.
Mais je me trompe peut-être — je n’y connais rien.
Sauf ce film de ce soir : là, je m’y connais. Le réel, tout d’un coup, le temps, l’espace, le témoignage, la réalité qui dépasse la fiction, la nécessité. Jamais je n’oublierai ce voyage à Columbus dans le Mississippi, le film s’appelle The Island of Saint Matthews et c’est une splendeur bouleversante. Je ne peux même pas en parler, je n’en dirais que des bêtises. Merce Cunningham dit quelque part que la danse, ça ne se dit pas, ça ne peut pas se mettre dans des phrases et que c’est même ça, l’intérêt de la danse : ça ne se parle pas. Ce cinéma-là non plus, on ne peut rien en dire. C’est une vraie chose. Il y avait un petit débat après le film avec le réalisateur, Kevin Jerome Everson, chaque chose qu’il a dite était d’une information inouïe, contrairement à l’entretien de Diacritik. Et puis j’ai revu un petit document de l’INA qui traîne sur les réseaux sociaux où l’on voit Marguerite Duras et Dominique Noguez (qui vient de mourir) parler d’un festival de cinéma « différent » (qui est pour eux LE cinéma). Et Marguerite Duras finit par crier : « Qu’un cinéma échappe enfin à la publicité ! » Elle dit qu’on ne doit pas forcer les gens à aller voir des films, elle dit sa lassitude du cinéma de consommation, ce qu’elle appelle le « cinéma du samedi ». Elle imagine qu'on puisse voir le premier film de ce cinéma (dit différent) par hasard, par un hasard total. C’est ce qu’il se passe avec le cinéma (dit) du réel : le hasard pur et pour le faire et pour le voir, c’est ce qu’on appelle aussi la nécessité (pas de commerce). En tout cas, quand c’est réussi. Il existe sans doute aussi des ratés, je ne sais pas. Ce n’est pas sûr. Mes spectacles, par exemple, sont très, très rarement ratés car ils sont ce qu’ils sont. Ils sont réels. Ils ne volent pas leur temps aux gens.
Mais je me trompe peut-être — je n’y connais rien.
Sauf ce film de ce soir : là, je m’y connais. Le réel, tout d’un coup, le temps, l’espace, le témoignage, la réalité qui dépasse la fiction, la nécessité. Jamais je n’oublierai ce voyage à Columbus dans le Mississippi, le film s’appelle The Island of Saint Matthews et c’est une splendeur bouleversante. Je ne peux même pas en parler, je n’en dirais que des bêtises. Merce Cunningham dit quelque part que la danse, ça ne se dit pas, ça ne peut pas se mettre dans des phrases et que c’est même ça, l’intérêt de la danse : ça ne se parle pas. Ce cinéma-là non plus, on ne peut rien en dire. C’est une vraie chose. Il y avait un petit débat après le film avec le réalisateur, Kevin Jerome Everson, chaque chose qu’il a dite était d’une information inouïe, contrairement à l’entretien de Diacritik. Et puis j’ai revu un petit document de l’INA qui traîne sur les réseaux sociaux où l’on voit Marguerite Duras et Dominique Noguez (qui vient de mourir) parler d’un festival de cinéma « différent » (qui est pour eux LE cinéma). Et Marguerite Duras finit par crier : « Qu’un cinéma échappe enfin à la publicité ! » Elle dit qu’on ne doit pas forcer les gens à aller voir des films, elle dit sa lassitude du cinéma de consommation, ce qu’elle appelle le « cinéma du samedi ». Elle imagine qu'on puisse voir le premier film de ce cinéma (dit différent) par hasard, par un hasard total. C’est ce qu’il se passe avec le cinéma (dit) du réel : le hasard pur et pour le faire et pour le voir, c’est ce qu’on appelle aussi la nécessité (pas de commerce). En tout cas, quand c’est réussi. Il existe sans doute aussi des ratés, je ne sais pas. Ce n’est pas sûr. Mes spectacles, par exemple, sont très, très rarement ratés car ils sont ce qu’ils sont. Ils sont réels. Ils ne volent pas leur temps aux gens.
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