Bon, finalement, Hélèna est venue jusqu’à chez moi, elle voulait savoir « si on s’quittait ou pas ». Elle me dit : « Ce dialogue, j’l’aurais pas écrit comme ça ; je n’ai jamais dit : « sur la table
basse du salon ». J’avoue que, là, c’est une liberté que j’ai prise, afin, pour le lecteur, de situer l’environnement. « Sur la table basse du salon », il me semble qu’on situe plus facilement… Je me souviens que tu as dit : « D’ailleurs, y en a une qui t’attend sur la table du salon ! » (Le « salon » est la première pièce à l’entrée où j’ai l’habitude de poser mes vêtements, parce que, sinon, si je me déshabille dans la chambre, dans la grotte, où y a un tel bazar de tentures, de livres, de vêtements en vrac, de souvenirs de bric-à-brac, je ne retrouve rien le lendemain.) – j’ai rajouté « basse » pour qu’on situe, qu’on comprenne, tu comprends ? – Je m’appelle Villebasse. (Alors là, une parenthèse : oui, pauvre scoop, Hélèna Villovitch n’est pas vraiment une Juive d’Europe Centrale, elle s’appelle, pour l'état civil, Hélène Villebasse – comme Marguerite s’appelait Donnadieu, si vous voulez – et elle vient de Bourges, dans le Cher.) C’était donc ça. La psychanalyse à la maison. Je propose de transformer la phrase et de mettre :
D’ailleurs il y en a une qui t’attend sur la vile table basse du salon ! Comme ça, le lecteur sera bien sûr que tu n’as pas parlé comme ça… Ensuite on parle des romans, des nouvelles… Borges, Carver… Puis une chose encore, je reparle de Véronique Müller, cette fille qui était tombée amoureuse de moi l’été dernier
via le blog, il me semble qu’elle ne m’avait pas dit son nom… elle m’a écrit, je me suis même demandé si ce n’était pas la sœur d’Yvonnick Muller… Elle m’écrit : « (…) (J’attends la sortie du livre de votre amie. (ton Pierre – elle passe au tu –, ma foi, fait des fautes de concordance de temps. Pour ce qui est de moi, ça m’est égal, mais je crains que lui, qui a l’air d’y tenir, à la loi, ne s’en afflige quelque peu. (Ah, je n’ai pas du tout aimé l’attaque qu’il a faite de la « femme aux courgettes ».) (…) » Elle m’avait dit qu’elle était furieuse de mon amour pour Thomas, cet été, mais, Hélèna, toi, elle t’aime bien, tu as l’air d’être une sœur pour elle. Hélèna me dit : « Moi aussi, je trouve qu’il fait des fautes de concordance de temps. » Ah, bon ? Si elles s’y mettent toutes… On n’a plus qu’à affûter nos courgettes ! Je me souviens alors (puisque
je me souviens, en ce moment, et que je vis à moitié, comme dit Pierre, dans les
eilletizes), je me souviens comme j’avais eu la tehon quand j’avais osé, une fois, faire une critique à Marguerite Duras – ça, il faudrait un livre de Nathalie Sarraute pour en parler – J’avais osé… j’avais dit… j’avais pas dit que c’était ma mère qui me l’avait dit, mais c’était tout comme, j’avais dit (…dans
Emily L, page …), j’avais dit qu’il ne fallait pas dire « deux
à trois jours », mais « deux
ou trois jours »… Marguerite Duras m’avait dit : « C’est vrai. », puis ç'avait été fini, ç'avait été horrible. Le plus horrible que j’ai jamais vécu avec elle, peut-être le plus horrible
de ma vie. Je crois que j’aurais pu me jeter dans la Seine… Moi... et mon père. Le monde disparaître. Voyez.
On parle aussi de Chloé Delaume* dont Hélèna vient d’adorer le dernier livre, très réussi. Hélèna est un peu fâchée parce qu’elle voulait faire un grand papier dans « Elle », mais sa chef a dit : « Ah bon, t’as adoré ? Augustin a détesté. Vous n’avez qu’à faire un « Pour ou contre » ! » – Eh bien, c’est très bien un « Pour ou contre »… – Oui, mais c’est plus court… (Hélèna est payée à la ligne.) En tout cas, j’ai eu Augustin qui est d’accord, mais je lui ai dit de ne pas être trop méchant avec Chloé Delaume, parce que je l’aime bien, moi, Chloé Delaume, le livre est très bien, très beau, elle parle de son père qui a tiré sur… – Encore ! – Oui, mais, attends, y a du nouveau : c’est pas son père ! – Ah bon ? Ben alors, maintenant, tout va bien ! – Non, en fait, c’est pire, c’est sa cousine qui le lui dit… – Elle le savait comment ? – Elle le savait depuis toujours, c’est ça qui démolit Chloé. – Mais son père, c’est qui ? – Elle le connaît pas, il vit quelque part au Liban, sa mère a épousé « son père » déjà enceinte. – Elle fait une psychanalyse, Chloé Delaume ? – Oui. – Alors, c’est ça, on s’en sort pas, quand même, toujours ces récits de psychanalyse… Puis j’ai demandé à Hélèna (qui faisait la fine gueule évidemment) de sortir – ou de dormir – soit de sortir, soit de dormir – car je voulais écrire ça. Je repensais à la phrase de Pierre, lue dans son « diablogue », la citation d’Henry Michaux (
Poteaux d’angle): « Pourquoi des conversations ? Pourquoi tant d’échanges de paroles des heures durant ? On revient s’appuyer sur un environnement proche et avec des proches s’entretenir de proches, afin d’oublier l’Univers, le trop éloignant Univers, comme aussi le trop gênant intérieur, pelote inextricable de l’intime qui n’a pas de forme. » Dans quelques minutes je vais à la danse, cours du soir ; plus tard, je vais à l’anniversaire de Cecilia qui rentre des Indes (c’est comme ça qu’on dit : des Indes ? – c’est comme ça qu’on dit chez Virginia Woolf), j’aurais encore rien foutu de la journée ! Les factures qui s’amoncellent, l’administration qui traîne, les projets qui ne se font pas… J’envie Pierre de travailler au ministère, lui, au moins, des heures de bureaux, le carcan des heures de bureaux – être au cœur de la chose – la liberté
comme une nécessité vitale. Bises à toutes et à tous
YN, 6 janv.
*http://www.chloedelaume.net/
Labels: hélèna pierre claude régy macho