Friday, January 07, 2022

L 'Hypothèse inondation


Bon alors, regarde-moi, s’il te plaît, si l’appartement (ou un autre) est libre avant, c’est-à-dire à partir du 2 décembre (et peut-être compter aussi un jour après).

Et aussi la période de janvier, là aussi un peu plus large (avant).

Voir aussi si je peux rencontrer (si jamais) un magicien, un comique. 

Et si quelqu’un pouvait m’avoir un livre en feu. 

Ce ne sont que des suggestions, des idées que je me donne à moi-même, mais peut-être — parfois —, ces pistes se réalisent (ça s’est vu). 

Le spectacle est proche du rêve. C’est sa matière-même (de même que la vie est un songe).

Tout m’est miracle 

et massivement miracle

J’ai appelé Philippe pour lui dire d’affiner l’hypothèse inondation. Tu peux défendre le projet sur cette base (si tu penses que tu peux avoir une influence). 

Et, ce que je veux te dire, c’est que le spectacle n’est pas fait d’avance — et que mon travail consiste en cela (en tout cas, c’est ce que j’appelle, moi, le travail ; d’autres travaillent différemment bien sûr, ce monde est si varié), tout faire pour que le spectacle n’existe pas d’avance (parce qu’alors il n’existe pas)

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« Elle a deux visages. Le dur. Le doux. Et pour chacun toute une vie possible que l’on imagine, deux vies bien remplies. »


« La coïncidence n’était pas fortuite, une amélioration des conditions de vie va souvent de pair avec une détérioration des raisons de vivre, et en particulier de vivre ensemble.  »


« Il devait y avoir une brasserie ouverte près de la gare de Lyon, il y a en général des brasseries ouvertes tard la nuit, près des grandes gares, qui proposent des plats de tradition à des voyageurs solitaires, sans jamais réellement parvenir à les convaincre qu’ils ont encore leur place dans un monde accessible, humain, marqué par la cuisine familiale et les plats de tradition. C’est dans ces brasseries héroïques, dont les serveurs, témoins de tant de détresses, meurent en général jeunes, que reposaient pour la soirée les derniers espoirs culinaires de Paul. »


« Il n’était pas arrivé, et n’arriverait peut-être jamais, à cet état d’esprit morose, qui était de plus en plus le sien, consistant à admettre qu’il n’existe pas de solution à long terme ; que la vie en elle-même ne comporte pas de solution à long terme. »


« c’était elle qui avait prononcé la phrase fatidique, un truc du genre : « Je crois qu’il vaudrait mieux qu’on arrête », ou peut-être plutôt : « Je crois qu’il vaudrait mieux qu’on prenne le temps de réfléchir », il ne se souvenait plus, de toute façon ça revenait au même, dès qu’on commence à réfléchir ça va toujours dans le même sens, pas seulement sur le plan sentimental d’ailleurs, la réflexion et la vie sont tout simplement incompatibles. »


«  on n’arrive jamais à imaginer à quel point c’est peu de chose, en général, la vie des gens, on n’y arrive pas davantage quand on fait soi-même partie de ces « gens », et c’est toujours le cas, plus ou moins.  »


« quelques années de ce bonheur irréel et brutal de l’enfance »


« Peut-être que c’est très simple, en réalité, la vie, se dit Paul, qu’il n’y a à peu près rien à savoir, qu’il suffit de se laisser guider. »


« mortes également les baiseuses de légende des années 1970, avec leurs chattes velues, elles les avaient en quelque sorte accompagnées dans la tombe »


« Depuis le début, Bruno ne jouait pas vraiment le jeu ; il jouait sa propre version du jeu. »


« Il y avait là-dessous quelque chose de beaucoup plus sombre, la distorsion de plus en plus évidente entre les intentions des hommes politiques et les conséquences réelles de leurs actes lui apparaissait comme malsaine et même maléfique, »


« Il n’y avait que deux ans d’écart entre eux, mais ça pouvait suffire à expliquer la différence, les choses allaient encore relativement vite à l’époque, beaucoup moins vite évidemment que dans les années 1960, ou même dans les années 1970, le ralentissement et l’immobilisation de l’Occident, préludes à son anéantissement, avaient été progressifs. »


« Il sortit de la voiture. « Quel est le message ? » se demandait-il, et il se sentit à deux doigts de crier la question, s’en abstint de justesse, de toute façon Dieu se tairait, c’était son mode de communication habituel, mais c’était sans doute beaucoup, déjà, ce paysage désert et splendide, baigné dans un silence total »


« Les problèmes de couple des autres on ne peut rien dire, on ne peut rien faire, c’est un lieu secret, où nul ne pénètre. On peut tout au plus attendre qu’ils se décident, éventuellement, à vous en parler, tout en sachant que ce ne sera probablement pas le cas. Ce qui se passe à l’intérieur d’un couple est particulier, non transposable à d’autres couples, non susceptible d’interventions ni de commentaires, assez séparé du reste de l’existence humaine, différent de la vie en général comme de la vie sociale commune à beaucoup de mammifères, même pas compréhensible à partir de la descendance que le couple a éventuellement pu engendrer, enfin c’est une expérience d’un autre ordre, même pas une expérience à proprement parler, une tentative. »


« Ils avaient décidément merdé, se dit-il, ils avaient collectivement merdé quelque part. À quoi bon installer la 5G si l’on n’arrivait simplement plus à rentrer en contact, et à accomplir les gestes essentiels, ceux qui permettent à l’espèce humaine de se reproduire, ceux qui permettent aussi, parfois, d’être heureux ? »


« Certains idéologues de la deep ecology prônent l’extinction de l’humanité, parce qu’ils pensent que l’espèce humaine est définitivement irrécupérable, et dangereuse pour la survie de la planète. C’est le cas de mouvements comme la Church of Euthanasia, le Gaia Liberation Front, le Voluntary Human Extinction Movement.  »


« Dans toutes les civilisations antérieures, dit-il finalement, ce qui déterminait l’estime, voire l’admiration qu’on pouvait porter à un homme, ce qui permettait de juger de sa valeur, c’était la manière dont il s’était effectivement comporté tout au long de sa vie ; même l’honorabilité bourgeoise n’était accordée que de confiance, à titre provisoire ; il fallait ensuite, par toute une vie d’honnêteté, la mériter. En accordant plus de valeur à la vie d’un enfant - alors que nous ne savons nullement ce qu’il va devenir, s’il sera intelligent ou stupide, un génie, un criminel ou un saint - nous dénions toute valeur à nos actions réelles. Nos actes héroïques ou généreux, tout ce que nous avons réussi à accomplir, nos réalisations, nos œuvres, rien de tout cela n’a plus le moindre prix aux yeux du monde - et, très vite, n’en a pas davantage à nos propres yeux. Nous ôtons ainsi toute motivation et tout sens à la vie ; c est, très exactement, ce que l’on appelle le nihilisme. Dévaluer le passé et le présent au profit du devenir, dévaluer le réel pour lui préférer une virtualité située dans un futur vague, ce sont des symptômes du nihilisme européen bien plus décisifs que tous ceux que Nietzsche a pu relever - enfin maintenant il faudrait parler du nihilisme occidental, voire du nihilisme moderne, je ne suis pas du tout certain que les pays asiatiques soient épargnés à moyen terme. Il est vrai que Nietzsche ne pouvait pas repérer le phénomène, il ne s’est manifesté que largement après sa mort. Alors non, en effet, je ne suis pas chrétien ; j ai même tendance à considérer que c est avec le christianisme que ça a commencé, cette tendance à se résigner au monde présent, aussi insupportable soit-il, dans l’attente d’un sauveur et d’un avenir hypothétique ; le péché originel du christianisme, à mes yeux, c’est l’espérance.  »


« Si son père pouvait bander, s’il pouvait lire et contempler le mouvement des feuilles agitées par le vent,  alors, se dit Paul, il ne manquait absolument rien à sa vie. »


« La semaine passa rapidement, comme le bonheur.  »


« Il se souvint soudain d’un verset de Claudel qui l’avait frappé quand il avait quinze ans : « Je sais que là où le péché abonde, là votre miséricorde surabonde. » Le mot de surabonder était assez laid, il n’y avait bien que dans un poème de Claudel qu’on pouvait trouver des mots pareils, heureusement il se rattrapait avec le verset suivant : « Il faut prier, car c’est l’heure du Prince du monde. » Mais ces mots, devait-on les entendre au sens littéral ? La miséricorde devait-elle être considérée comme une conséquence du péché ? Et le péché n’avait-il été autorisé que pour permettre la surrection de la grâce, et partant de la miséricorde ? »


« et toute vie, songeait-il, est plus ou moins une fin de vie. »


« Quelle que soit l’étendue de leurs différences culturelles, ils partageaient une très ancienne et très étrange croyance, qui avait survécu à l’effondrement de toutes les civilisations, et d’à peu près toutes les croyances : lorsqu’on a bénéficié d’un hasard heureux, d’un cadeau inattendu du destin, il importe de se taire, et par-dessus tout de ne pas s’enorgueillir, de peur que les dieux n’en prennent ombrage, et n’appesantissent leur main. »


« mais ce dernier aspect elle ne l’évoquait jamais, ni avec autrui, ni même dans la solitude »


« ça fait traditionnellement partie du rôle des femmes d’inciter les hommes à prendre soin d’eux, en particulier de leur santé, et plus généralement de les rattacher à la vie, l’amitié des hommes avec la vie restant toujours, même dans le meilleur des cas, assez douteuse »


« la santé et l’amour »


« l’Europe dans sa totalité était devenue une province lointaine, vieillissante, dépressive et légèrement ridicule des États-Unis d’Amérique »


« une vie n’est jamais belle lorsque l’on considère sa fin, comme l’exprimait Pascal avec sa brutalité habituelle. « Le dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste : on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais. » Le monde lui apparut d’un seul coup limité et triste, d’une tristesse presque infinie. »


« tu t’imagines peut-être que ta vie t’appartient mais c’est faux, ta vie appartient à ceux qui t’aiment, tu appartiens à Prudence d’abord, mais aussi un peu à moi, et peut-être à d’autres gens que je ne connais pas, tu appartiens aux autres, même si tu ne le sais pas »


« On a beau mépriser, et même haïr, sa génération et son époque, on y appartient qu’on le veuille ou non, et on agit conformément à ses vues ; seule une force morale exceptionnelle permet de s’en extraire, et il n’avait jamais eu cette force. »


« Depuis un siècle à peu près, d’autres hommes étaient apparus, en nombre croissant ; ils étaient rigolards et visqueux, ils n’avaient même pas la relative innocence du singe, ils étaient portés par la mission infernale de ronger et de corroder tout lien, d’anéantir toute chose nécessaire et humaine. Ils avaient malheureusement fini par atteindre le grand public, le public populaire.  »


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