Yves-Noël,
Je suis loin, mais les mots qui tissent le récit de
Chic By Accident me relient. Ce récit qui chaque jour se pare de nouveau mots, élogieux, amoureux.
C'est ça, je crois, qui me rend cet éloge si délicieux à fréquenter, moi qui suis séparée de vous par la géographie, c'est l'infinie tendresse qui le traverse.
Je ne sens rien de tactique dans ces éloges, personne ne joue à faire valoir une connivence mesquine avec ce qu'il a vu, personne n'essaie de mettre en avant qu'il a dégoté une merveille, avant les autres ou malgré les autres, personne ne dit « moi » !
On dirait qu'il s'agit chaque fois d'un sentiment tellement entier que plus rien de personnel ne peut s'y distinguer.
J'imagine les spectateurs prendre place, c'est avant que ça ne commence, les oeillades discrètes, « ah, tu es là toi aussi », chacun y est encore lui-même, chacun y joue encore son rôle. Et puis l'espace va s'ouvrir. Emportant dans son ouverture passés et futurs, attentes et projections.
Laissant à vif la tendresse, chair et âmes. La circulation du vivant.
Je repense à l'horizontalité musicale dont nous avions fait l'expérience « quand nous jouions Dieu ».
Ici, errant entre les trains, souriant à des visages inconnus, happée par l'anonymat de villes, jeunes, fougueuses, échouée parfois face à la mer, je m'amuse à me livrer au même abandon. Je me relie. Je pense à vous.
Je vous souhaite, pour la dernière ce soir, un flamboyant tissage de fils. Je vous envoie cette phrase de Duras, qui parle de Lol, et qui dit, je trouve, l'utopie de notre métier :
« L’infirmité, si l’on peut dire, de Lol V Stein, c’est qu’il n’y a pas d’étanchéité entre elle et l’autre. Elle est l’autre, aussi ».
Je t'embrasse.
Sandra
Oui, c'est ça. Pas d'étanchéité, c'est sur quoi on a travaillé (si ça s'appelle « travail ») « L'étanchéité est le résultat de l'interdiction d'un passage. Ce terme général peut être compris dans de nombreux domaines. » Je regarde sur Wikipédia. Pas d'interdiction. Ça circule. La liberté « pour tous », comme disait Grisélidis Réal, ou le « Tout Monde », comme disait Edouard Glissant. Mais nous ne sommes que dans un laboratoire, laboratoire privilégié, protégé, « de verre », toi, tu es dans le vrai monde, un territoire du vrai monde, une portion du terrain, du ciel, du jeu. C'est toi qui fais le travail – et tu nous le rapportes. J'envie ta manière de te tenir debout – la station debout – sur terre, cette terre.
Restons unis
Yvno
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