T chekhov
Un beau document sur un spectacle que j'ai tant aimé, avec des acteurs amis. Il a raison, Ostermeier, sans vouloir diminuer le travail que plusieurs acteurs ont donné dans nos spectacles de Lyon, Florence Hebbelynck (La Cerisaie), Lætitia Dosch (La Mouette), Jonathan Foussadier (Les trois sœurs), qu'au contraire j'ai trouvé absolument extraordinaire (inoubliable), il est facile de jouer Tchekhov en solo (toute la pièce, toutes les répliques), Antoine Vitez me l'avait appris, mais la vraie difficulté, à laquelle je ne me suis pas encore confronté, c'est de jouer en groupe, c'est extraordinairement difficile, justement parce qu'il faudrait n’entendre qu'une seule voix, une voix fantôme, la voix de Tchekhov qui est réglée sur une fréquence très, très particulière, comme la voix d'un romancier, comme, par exemple, la voix de Modiano, ou de Duras, qui sont des voix extraordinaires et qui ne sont peut-être elles-mêmes qu'une seule voix, une voix humaine, la même voix, une seule voix (soit dit en passant). Il dit, Ostermeier : « C’est extrêmement difficile de garder présente la profondeur des relations tout en restant fidèle à la réalité des situations, réalité dans le sens où de nombreuses situations sont très banales. Il ne s’y passe quasiment rien. C’est le drame de l’immobilité, du néant. » Marguerite Duras pouvait dire (dans la vie) : « L’amour, c’est pas toujours agréable », mais on éclatait de rire parce qu’elle allait chercher cette banalité — est-ce une vérité ? — au plus profond d’elle-même, à l’endroit même d’où sortait toute son œuvre, j’ai vu ce mouvement, je l’ai vu perdre sa couleur de visage, plonger jusqu’à disparaître et remonter des profondeurs avec cette phrase si inoffensive qui avait fait s'exclamer Yann : « Ah, oui ! y a qu’à lire les livres ! » C'est ça, Tchekhov, et voilà la comédie.
Labels: lyon