Wednesday, March 24, 2021

L a Mort de Dieu


Vous voulez que je vous dise : il n’y a qu’un pays, c’est la littérature. Tout le reste ne compte pas, même le théâtre, c’est fini, mais il faut garder les livres. Aujourd’hui, dans le centre de Nantes, c’était à touche-touche comme dans une manif, on ne pouvait pas avancer. La vérité c’est que la population n’en à rien à ficher des théâtres, ce qui compte c’est le lèche-vitrine et les réveillons. Quand j’étais petit, le festival d’Automne programmait chaque année Jean-Marie Patte, ça ne marchait jamais, personne n’y allait, mais c’était Michel Guy, le directeur de l’époque qui, grand seigneur, jouait au mécène. J’y allais souvent, ce n’était pas tellement les spectacles qui m’intéressaient, non, sans doute je n’y comprenais pas grand chose (il me reste quelques images, quelques saillies). Ce que  j’adorais, c’était la salle vide, d’être avec six ou sept autres personnes dans un théâtre vide, fantôme, cette atmosphère crée par cette tendresse qu’avaient les acteurs de jouer devant quelques personnes, ce théâtre devenait un rituel vrai. Comme dans les églises : ce qu’on aime c’est qu’il n’y ait personne (éventuellement exceptionnellement du monde). Si les églises étaient pleines comme des supermarchés, ce serait peu supportable, non ? Je veux dire simplement : il faut vivre avec son temps, c’est fini, le théâtre, ce qui est beau car cette fin est infinie comme la mort de Dieu

L ’Aliénation positive


« Le cœur consiste à dépendre »

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U n texte que je reçois de Clémentine Jacquemin (accompagné d'une vidéo)


20 janvier 2020, vers minuit


Il faut que je revienne sur le Carreau du temple. Mon activité extra scolaire favorite depuis longtemps, un tel sentiment de liberté, surtout en ce moment. Ça désacralise la scène, l’espace scénique, si angoissant normalement. Là, c’est un espace où l’on peut faire ce qu’on veut. Manger, s’asseoir, se rouler par terre. Aussi ne rien faire et prendre le temps de regarder. On vit avec notre corps. Aussi, on en parlait avec Théo dimanche soir, le fait de bouger son corps est beaucoup moins « angoissant » que de parler. Rien que dire une phrase est très difficile, on peut le faire, mais on n'ose pas. Alors que se mouvoir, on y arrive si bien finalement. Cette danse performance, c’est une question d’assurance, de confiance en soi, et surtout d’oser, tout le champ des possibles est ouvert. Et les gens sont tous animés sur scène, des regards animaux, des mouvement de trans. Quand je regarde, j’ai l’impression de voir une scène de fin de soirée, un espèce d’espace entre deux temps, le temps de la fête et le retour du jour. Des gens qui errent dans l’espace, encore un peu engourdis par la nuit. Comme des gens drogué en fin de soirée quand le jour c’est levé. Le même effet. Le plus dur, c’est d’y rentrer et, dès qu’on rentre sur la scène, on devient quelqu’un d’autre, le lâcher-prise, il faut se lâcher, et juste vivre l’espace. Comme dit Yves-Noël, il faut que chacun occupe tout l’espace, et que les autres soit comme des invités dans cet espace. Espace qui fait 1800m2. J’aime bien les histoire que nous raconte Yves-Noël, sur l’éclipse et les oiseau en Haute-Savoie, les troupeaux de vaches et la vache à l’écart, Marguerite Duras et la frontière dans L’Amour (estala ? retrouver le terme exact), Proust… Et aussi réussir à créer avec des inconnus, et les rencontrer sans paroles, échange de regards, échange de mouvements, se tenir la main, se sourire, danser ensemble sans se connaître. Sans jamais se connaître. Apprendre à rencontrer autrement que par les classiques questions des débuts, le corps figé, à se regarder dans le blanc des yeux. C’est rare de commencer une rencontre par le corps. Et les formes que ça crée, le mouvement des corps. Toute une partition de gens sans expérience pour la plupart qui arrivent à créer une chorégraphie, à chaque fois différente. Les corps se comprennent, créent comme une discussion. La dernière fois, on a créé une farandole, ce n’était pas écrit, mais c’était si évident. Une main qui en tient une autre et ainsi de suite. Pourtant, on est entre 50 et 100 personnes à danser. Mais les corps comprennent, pas besoin des mots. Les sons aussi, on danse sans musique et chaque bruit, bruissement devient un rythme sur lequel danser. Comme le bruit des pieds qui tapent sur le sol, claquer des doigts, taper dans les mains, et tout le monde commence à scander le même rythme. Aussi une fois une sonnerie de téléphone, la couverture de survie qui scratche scratche et qui m’a fait danser à son rythme. Il y a également le chanteur brésilien qui chante en portugais, c’est si beau quand il chante. Et, après, tout le monde commence à chanter « hmmmm » et cela crée un chant un peu comme dans un église ou comme un opéra. Pourtant, nous ne sommes ni danseurs, ni chanteurs, mais la création est si belle. 

Merci. 


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E ncore le Golfe le soir




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L apsus (et en pensant à Pierre)


Lucas, qu’est-ce qu’il raconte ? Il écrit et il raconte. J’ai un carnet avec moi, je n’écris pas tout, parfois je me laisse couler au désir de sa parole en oubliant instantanément le délice qui m’habite (c’est-à-dire restant dans la vie et non pas dans son récit éventuel). C’est donc très peu. On parle d’abord d’Hervé Guibert et d’Arthur Dreyfus. Il est effrayé. « Moi, si j’écris un mot sur ma famille, il me semble que ma page va s’enflammer. » Puis on quitte le Parc Floral parce que je suis déçu : pas assez de fleurs et trop de gens. Il dit : « Dans la vie aussi, on espère qu’il y ait plus de fleurs et moins de gens ». Puis on s’approche du Bois, en particulier d’une zone indiquée « Réserve ornithologique », pleine de drôles d’oiseaux, en effet… « J’ai l’impression de retourner à une période plus clémentine… » (comme je m’extasie du mot, il m’explique faire référence au livre de Clément Marot L’Adolescence clémentine). Il essaye de m’expliquer les deux désirs selon Pascal, mais s’embrouille (il y en a trois, en fait, trois concupiscences). Puis, comme au Parc Floral on avait croisé la route d’un paon magnifique à qui je l’avais comparé (bien qu’il ne se déployât pas) : « C’est toi ! — Ah bon ? » (mais il en avait convenu) et que nous nous étions alors tous deux étonnés que ce paon traînât sa traîne — comme une queue encombrante — toute sa vie alors qu’elle ne sert pourtant que from time to time, now and then à séduire une femelle quand il le faut... devant un homme habillé de rouge vif, cagoulé de rouge vif et masqué, ne laissant voir que la violence de ses yeux (L'Inconnu du lac) qui soudain pisse et agite son sexe à quelque distance en le fixant : « Tu vois, c’est très animal, c’est comme le paon, il exhibe sa queue ». Puis comme il est soudain transpercé de désir, il lâche : « J’ai peur de faire ça et de plus jamais revenir — oh ! putain... c’est une phrase de Lagarce ! » Il me tient au courant de son émotivité : « Je tremble et c’est de la peur et du désir ». Il dira encore : « La sensation d’être une proie m’excite, y a quand même un problème… » Quand il faut rentrer, il me répète un lapsus de sa prof de théâtre : « ce couvre-queue »…

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A nticipation


«  Les Français sont sans doute sur le point de faire passer un sale quart d’heure au gouvernement Macron auquel ils vont vouloir faire payer leur « emprisonnement » d’une année (insensibles au fait que la France est l’un des pays qui a le moins confiné). La colère liée aux circonstances exceptionnelles de la pandémie s’est déployée partout mais c’est dans les pays où la défiance de l’Etat est la plus forte qu’elle s’exprimera le plus violemment... notamment en France. Cette énergie déversée dans les rues et sur les réseaux sociaux prendra aussi des formes non politiques, non organisées. Par exemple, la région parisienne sera la scène d’un chaos à mi-chemin entre fête et révolution (ou violence brute) mené par une jeunesse que les vieilles générations vont découvrir infiniment plus diverse que ce qu’ils en voyaient il y a encore un an. Les jeunes de banlieue découvrent et investissent un Paris abandonné par les touristes, expatriés et entreprises qui la peuplaient jusqu’en mars 2020, garantissant un puissant choc générationnel (sentiment de « péril jeune ») qui devrait ouvrir les portes aux thèses d’extrême-droite lors des élections de 2022. A l’heure de J. Biden et du prétendu reflux des populismes, ce résultat électoral mettra la France de nouveau en porte-à-faux, relançant les tendances centrifuges au sein de l’UE. »

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