Thursday, May 15, 2025

S i dans l'homme tout est chemin

 
Quand, dans mon adolescence, je lisais des livres de Liliane Giraudon publiés chez POL, « La nuit » ; Divagation des chiens ; Pallaksch, Pallaksch ; Fur… j’imaginais l’autrice : une femme, la trentaine, épanouie, cheveux noirs courts, sexy bien sûr. Quand je suis venu travailler à Montévidéo, au festival Actoral, invitée par Josette Pisani et Hubert Colas, le premier spectacle (d’une longue fidélité) s’appelait, je crois, Domaine de la Jalousie et Liliane était là, merveilleuse, nous sommes devenues amies, avec Jean-Jacques Viton, seulement ce n’était pas du tout la femme, la trentaine, épanouie, cheveux noirs courts, sexy bien sûr — que je désirais —, c’était une petite mémé avec la voix de Zize Dupanier. Eh, oui ! Mais je vous assure que j’ai toujours en mémoire les livres inouïs de cette autrice si merveilleuse que j’avais rêvée — et qui existe toujours pour moi. L'œuvre de Liliane Giraudon telle que je l'ai rencontrée ne commence pour moi qu'après cette période où j'étais seule avec cette femme, la trentaine, épanouie, cheveux noirs courts, sexy bien sûr

Je regarde avec émerveillement les images passer ici sur IG de Brigitte Bardot qui n’avait pas donné d’interview depuis 11 ans, elle est si belle, elle a encore vieilli, mais elle est si belle d’avoir encore vieilli

Maintenant je suis moins adolescente, mais j’aime les vieilles dames.

Les écrivains ne devraient pas se montrer, on les imagine tellement ! Marguerite Duras qui s’est énormément montrée en avait la nostalgie. Les rééditions en Folio ne mettaient que son nom sur la couverture, pas son prénom, elle rêvait qu’on l’imagine homme. Tout à l’heure j’ai croisé plusieurs fois Christine Angot dans le vernissage de l’expo de Frank Smith (magnifique expo, 39, bd de Beaumarchais). J’ai aimé son dernier livre, je l’ai écouté dans beaucoup d’interviews avec intérêt, mais l’idée, pour moi, de lui parler me fait horreur. J’ai fait celle qui ne la reconnaissait pas, qui ne l’avait jamais connue, qui n’avait pas la télé — et après tout quelle honte d’avoir la télé !
On ne devrait pas se connaître, ne pas savoir si les auteurs sont vivants ou morts. Ne percevez-vous pas la musique de cette fin du monde ?
Dans la galerie, le son des films projetés était en deçà (mais perceptible quand même) du brouhaha des conversations, et, parfois, plus fort, venaient se mélanger aux films, les sirènes qui passaient sur le boulevard, porte ouverte sur la soirée de juin
Quand je suis arrivée, Frank Smith se tenait sur le trottoir, à côté de la porte et disait sans doute à chacun comme à moi : « Merci d’être venue ». Je trouvais cette position idéale, sur le trottoir, un clope à la main. Mais il n’a pas tenu comme ça toute la soirée (et sans doute que ce n’était pas un projet). Il a dû lui aussi expliquer son œuvre qui, au contraire, se passe de commentaire (d'une grande cohérence et d'une grande force, the world behind the mist)

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