Dignité de la défaite. – Renverse-moi ! Le poème des Évangiles. On est obligé de faire avec les croyants à cause de ça : on partage avec eux le plus beau de l’humanité. Tant qu’il y aura un seul croyant dans le monde – et pourquoi n’y en aurait-il plus, un jour, jamais un seul ? – nous sommes pieds et poings liés avec lui : sa croyance au poème. Mais je vais écrire maintenant sans but, sans notes, passant du coq à l’âne. Ce que je voudrais écrire, et je vais dédouaner le lecteur de ce blog – s’il en reste – lecteur que je cherche à perdre – c’est
toujours la même chose – donc repose-toi, lecteur, vis ta vie, tu n’louperas rien. Tu n’peux pas suivre. Je cherche à te perdre – et s’il ne reste plus qu’Hélèna et Pierre, c’est vous que je cherche à perdre. Mais le blog s’arrêtera bientôt, dans quelques jours. Dieu voulait tout connaître de la souffrance des hommes. On ne saura jamais mieux raconter l’histoire du Christ. Là où je vais, vous n’pouvez pas m’accompagner et j’y vais à chaque seconde – les journées passent si vite – c’est pour ça que les journées passent si vite. Sur ma route, je vous rencontre, vous m’accompagnez encore. Ce n’est pas que vous représentez les prémices de mille et une rencontres que je ferai encore, non, vous représentez, emblématiques, les
dernières rencontres, les
derniers accompagnements, les plus heureuses, je dois dire.
Les hommes n’ont pas besoin de beaucoup d’histoires différentes. Le personnage se décompose, se défait. Nous sommes ainsi conduits à nous poser une autre question : que pensons-nous du bonheur ? Que pensons-nous de la défaite et de la victoire ? Le Dispariteur disparaît et ce sera difficile d’inventer – dans notre époque, dans notre
ère – ce qui apparaît. Après les plages. Sommes-nous incapable de croire au bonheur et au succès ? Pour Marguerite Duras, le bonheur n’existait pas. « Vous savez pourquoi, au cinéma, on n’arrive pas à filmer le bonheur, bonjour ma chérie tu vas bien, les enfants ont passé une bonne journée, etc. ? … Parce que le bonheur n’existe pas. » Pourtant nous sentons poindre l’artifice, ou plutôt la trivialité. Le fait qu’aujourd’hui on invente des intrigues en quantité nous empêche d’y voir clair. Vingt-cinq spectacles pour disparaître, c’est un effet de style. On a pensé à chaque fois que c’était le dernier, on l’a souhaité. D’ailleurs on n’a fait que répondre à des commandes. On a soutenu aussi faire des bandes-annonces publicitaires pour un spectacle futur. Quel sera ce spectacle, bien sûr que nous n’atteindrons jamais, mallarméen ? Un film sans dialogues, sans texte. Uniquement des images, l’enregistrement des images et du son ambiant, du son permanent. Mais revenons à nos idées, l’enregistrement des troupeaux, ça a déjà été fait. She sings, she dances, she dies. How can you resist ? Hollywood. Avec une fin, mais ce n’est pas artificiel, une fin de bonheur. Nous croyons encore en la victoire et au bonheur ! « Marble like solid moonlight », « gold like frozen fire ». Sa provende d’épopées !
Le sens éthique, du bon et du mauvais. La disparition du personnage. Nous ne le connaissons pas. Nous ne le ressentons pas. Ni lui ni Hélèna ni Pierre, vous ne les ressentez, c’est
pity.
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