Je pensais que j’allais
mourir. Alors j’entrais dans les grands restaurants et je commandais des choses
délicieuses. Des choses que je n’avais jamais mangées et des fruits de mer
aussi. Ça me rendait ma gaîté. J’étais atteint d’une maladie qui me pourrissait
de l’intérieur. Un goût de terre, de garbage, de pourriture. Mes amis n’étaient
pas au courant. J’allais seul dans ces restaurants.
Le plus près de la maison
était le Terminus Nord. (Continuez dans le syle de Modiano.)
Dans le restaurant, je vois
peu à peu le monde se gonfler, l’émotion revenir : il arrive que je
pleure.
Un article de journal, anodin
dans un autre cas, mais depuis que cette mort m’était annoncée et avec le
sentiment de cette vie gâchée, inutile, inaboutie – me tirait les larmes. On
parlait (par exemple) d’un film qui avait été tourné avec des prisonniers. Tous
criminels, quartier haute sécurité, la Mafia. Je ne sais pas par quelles
astuces les cinéastes avaient réussi à leur faire tourner le Jules César, de Shakespeare. Et je pensais que je n’aurais pas le
temps de voir le film. Mon temps était compté. La fin du dîner aussi, je
n’allais plus pouvoir rester. Je ne digérais rien. Mais je prenais exprès les
choses les moins digestes, les vins, les liqueurs. Je savais que j’allais
souffrir, au retour, dans d’étranges nausées. Mais mon plaisir était intense.
(Complétez.)
Quand je sortais du
restaurant, j’avais la fièvre…
Je lisais, dans le journal, à
propos d’art : « Autant d’œuvres qui inquiètent le regard comme les
reliques d’une catastrophe. » Je me demandais ce que les professeurs
enseignaient aux enfants…
Sa souffrance était intense,
sans rémission, sans qu’il sache si elle était psychologique ou d’ordre
organique. Il y avait un temps de Londres… (Complétez.)
« Nu, le carrefour
paraît immense. Entre le silence du sol et la blancheur du ciel les immeubles
se tassent. L’oeil est vite attiré par leur courbure à l’horizon, et l’espace,
où les blocs de pierre et de verre s’enfoncent comme dans la neige, l’espace
lui-même a épaissi, s’est infiltré partout, de sorte que les contacts sont
rares, les gens petits, les distances longues à parcourir. »
Tout ce qui me détache de la
réalité, c’est la mort.
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