Wednesday, May 08, 2019

« Alors les bruits de la rue alentour, cet homme qui passe chargé de provisions, cet autre qui en interpelle un troisième, ces camions, ces motos qui bruissent ou pétaradent en s’éloignant , tout cela crée comme une basse continue, un fond sonore qui accompagne l’actrice. Et, à les voir passer derrières les baies vitrées du café et disparaître, les passants accompagnent sans le savoir ce temps si particulier de la pièce où le présent est comme une salle d’attente entre un passé qui n’est plus et un futur avorté ou trop lointain pour ne pas être illusoire. L’ailleurs est là, à portée de rue. Moscou ou je ne sais où. Ireïna Labetskaïa regarde parfois passer ces gens venus comme elle d’un autre pays et puis elle retrouve ces feuilles entre ses mains qui parfois (magie du soleil couchant) lui éclairent le visage en irisant ses longs cheveux noirs. Elle lit, lit encore et soudain ses yeux s’éloignent des feuilles, elle dit le texte mais c’est comme si elle le rêvait à haute voix. »

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C omprendre


« Et voilà que l’on commence à comprendre pourquoi en ce pays personne ne comprend rien tandis que tous sentent tout. »

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A bsolument rien


On essayera d’être très général. La mort et la vie. Ou dans l’autre sens. La vie et la mort. Et on essayera d’être le plus sensible possible. Ces choses-là, ça ne se comprend pas, c’est leur beauté. Mais ça se vit. La vie. L’approche de la mort. La soirée est librement inspirée de Rester vivant, premier essai de Michel Houellebecq, sorte de Lettres à un jeune poète à qui le narrateur conseille de ne pas se suicider. « Apprendre à devenir poète, c’est désapprendre à vivre », écrit-il. 

Réflexion sur le théâtre et ses fantômes, la vie et sa solitude, le désespoir et l’amour, cette soirée est aussi une soirée sur rien. Mes spectacles, en effet, ne valent que de parler de rien, voudraient n’avoir aucun sens, au sens de Tchekhov dans les Trois Sœurs : « Le sens… Tenez, il neige. Où est le sens ? » — ou au sens de Guillaume IX d’Aquitaine, premier troubadour français connu (XIème siècle) : 

« Ferai un vers d'absolument rien
Ne sera sur moi ni autre gens
Ne sera sur amour ni sur jeunesse 
Ni sur autre chose 
Je l’ai trouvé en dormant
Sur mon cheval 

[…]

J’ai fait ces vers ne sais sur quoi 
Et les transmettrai à celui
Qui les transmettra à un autre 
Là-bas, vers l’Anjou
Pour qu’il me fasse parvenir de son étui
La contre-clé » 

Mes spectacles imprévus apparaissent alors que personne ne les attend. C’est l’essence de la création artistique : personne n’en a envie, personne ne sait. Ce qui apparaît ne manque pas.


Yves-Noël Genod

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Un homme s’approche de la mort — ou s’en éloigne — on sent son cœur qui respire. Rester vivant, qu’est-ce que c’est ? 

Le spectacle est librement inspiré de Rester vivant, de Michel Houellebecq, sorte de Lettres à un jeune poète à qui le narrateur conseille de ne pas se suicider. 

« Apprendre à devenir poète, c’est désapprendre à vivre. », dit-il.

Il y a dans l’histoire d’Œdipe un temps où Œdipe, après tous ses malheurs, après avoir découvert qu’il avait tué son père et épousé sa mère, après s’être crevé les yeux tellement il en était choqué, part avec l’une de ses filles, Antigone, sa préférée, part sur les routes, abandonne sa royauté et part faire du camping — et il y a un temps, encore plus tard, où il dit soudain à Antigone : « Là où je vais maintenant, tu ne peux plus m’accompagner ». Et c’est ce moment entre la première mort, l’adieu à Antigone, et la seconde mort, la descente aux enfers, ce cheminement dans la solitude, après l’aveuglement, et comme en un point de « voyance », que Jacques Lacan (le fameux psychanalyste français), appelle le « désir », le chemin du désir, qui ne devient manifeste qu’au moment où personne ne peut plus le voir…

Réflexion sur le théâtre et ses fantômes, la vie et sa solitude, le désespoir et l’amour, cette soirée est aussi une soirée sur rien. 

Mes spectacles imprévus apparaissent alors que personne ne les attend. C’est l’essence de la création artistique : personne n’en a envie, personne ne sait. Ce qui apparaît ne manque pas.

Yves-Noël Genod

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