Pierre Courcelle
Je parle à Pierre de ce dont je parle toujours (et que Paul Auster dit très bien, je crois, dans The Invention of Solitude que je viens d’acheter), que n’importe quel livre, même le plus crowded a pour sujet principal la solitude parce qu’il s’agit de la solitude de celui qui écrit – solitude aussi de celui qui lit… et blablabla et d’ailleurs si j’écoutais ce blablabla, je pourrais déceler moi-même ce que me dit à présent Pierre : que le thème de l’écriture, c’est aussi l’amour (j’aurais pu le déceler parce qu’il y a en effet deux solitudes). Et aussi, dit Pierre : « retrouver l’amour, la possibilité de l’amour ». Parce que l’amour est une chose rare et, le thème de la littérature, c’est de le retrouver. Je lui dis qu’en effet, lui, son écriture, c’est ça – ça aussi, je n’ai cessé de le dire, – Bénédicte Le Lamer disait qu’il proposait un « état amoureux du monde ». Il dit qu’il ne le fait pas consciemment, d’ailleurs. Je lui dis : « Non, c’est vrai, tu ne cherches pas à le faire, c’est toi. » « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer. » Et Michel de Montaigne ajoute en marge, sur la première édition du livre : « parce que c’était lui ». Puis, mais plus tard, à une autre relecture : « parce que c’était moi ». Peut-être que le paysage pourrait se voir par lui-même comme il est. Je ne sais pas s’il en a vraiment conscience de cet ensemble qu’il peut former. Nathalie Quintane, aujourd’hui où je l’écoute avant la soirée James Bowman à la salle Gaveau (ses adieux à la scène), dit dans son dernier livre : « La grande littérature, elle parle d’amour et de mort ; le reste, c’est peanuts, cacahuètes ! »