Sunday, March 10, 2013

La Couleur n'est pas retouchée (il n'y en avait pas)


10 mars




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Jours de l’avant-printemp



Dans le vrai ciel, dans la vraie douceur, dans la vraie attente...
118 (Apollinaire).
Cette fois je suis assis dans la rade, à Porsisquin, et il fait beau. Cette fois, je lis Apollinaire et c’est mieux (que René Char), c’est au présent. J’attends une voiture qui me ramènera à Brest. Je suis venu chercher la voiture de mon père pour me balader dans le Finistère (Penn-ar-Bed, bout du monde), mais il n’y avait plus de batterie. J’attends sur la grève, le dos à la falaise, vers midi, quelques mouches, quelques fleurs... (Recopier p 118.) Apollinaire m’a donné la force de me baigner. « La ville cette nuit semblait un archipel ». Mais, mon Dieu ! comme René Char est nul comparativement à Guillaume Apollinaire... (Recopier p 116.) J’ai lu — et relu à haute voix —, mais avec beaucoup de silences, les images insensées et précises de ça : 



« Je n'ai plus même pitié de moi
Et ne puis exprimer mon tourment de silence
Tous les mots que j'avais à dire se sont changés en étoiles
Un Icare tente de s'élever jusqu'à chacun de mes yeux
Et porteur de soleil je brûle au centre de 2 nébuleuses
Qu'ai-je fait aux bêtes théologales de l'intelligence
Jadis les morts sont revenus pour m'adorer
Et j'espérais la fin du monde
Mais la mienne arrive en sifflant comme un ouragan » (116.)



« Pardonnez-moi mon ignorance
Pardonnez-moi de ne plus connaître l’ancien jeu des vers
Je ne sais plus rien et j’aime uniquement
Les fleurs à mes yeux redeviennent des flammes
Je médite divinement
Et je souris des êtres que je n’ai pas créés
Mais si le temp venait où l’ombre enfin solide
Se multipliait en réalisant la diversité formelle de mon amour
J’admirerais mon ouvrage » (118.)



René Char : certain mystère. Comment cet homme a-t-il pu faire carrière ? Comment a-t-il pu gagner sa vie ? Les titres sont beaux néanmoins... Le Nu perdu, etc. Apollinaire a tellement aimé, tellement aimé, mon Dieu ! Je ne recopie pas tout, sur la plage de mon enfance, mais croyez mon émoi... Le seul livre à emporter sur une île déserte : Alcools. Je voudrais apprendre par cœur Apollinaire et vous le citer partout où je parle (c’est la première fois que je le sens, ça). Une transparence de fantôme dans les jardins et les paysages. Fleurs, ajoncs d’or, d’avant-printemp. Jardin entre l’Ain et la Bretagne. Mariage du calme et du bleu. Petites gouttes de pluie, mais pas suffisantes, au soleil, pour former l’arc-en-ciel (mais assez pour tacher le carnet).

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Brest, la nuit
































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Toucher du vent


Il faut être ouvert parce que ce qui se passe pendant cette ouverture, c’est tout. Et de la danse, bien sûr, ce n’est pas de la danse. C’est l’espace tout ouvert. Jamais revu. Jamais répété. Et la musique est comme une hache de la beauté (car le temp passe si vite). Et les enfants ne sont pas les enfants. Et, chaque geste, il faut le faire mourir pour qu’il vive. Car (je l’ai dit) le temp passe si vite. Le temp qui n’importe pas. Fleur et poison. Une image chasse l’autre car il y a un courant d’images — continu — et la tristesse est au fond de la rivière (comme le gravier au fond de la rivière). Vieux chagrin, n’interfère pas ! Quelle douleur, cette ouverture, comme l’amour ! Quelles larmes ! Quelles retrouvailles fausses-douloureuses de joie ! Quelle île ! Quelle île de bonheur pur, à jamais vivante, vivante comme une île, mer-mouton-herbe ! On ne parle que de la grâce et on parlera, c’est ainsi qu’on parlera. Désolé, ce que je dis est méchant, cruel, sempiternel. Amenez vos milliards ! L’espace, vous savez ? L’espace de votre beauté vous et les morts. Et le soleil comment disent les poètes ? Cherchez exactement comment disent les poètes. Le livre que vous avez dans la poche. (Est un recueil de poèmes.) Car il n’y a pas d’air, il n’y a pas de bande-son, il n’y a pas de grandeur. Le fond est d’or et brutal. Noir est le terme, peu importe. Et quand la beauté n’est pas là ? Quand la beauté n’est pas là, je t’embrasse néanmoins ! Qqch vit à n’en pas douter dans cette ville de Brest installée dans la tempête et dans la nuit et les écrans de la luxure. Si, ainsi, cela revient, tant mieux ! Venise aussi ne s’est pas faite en 1 jour. 

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Femme au bain (Barbara — Brest)