P ar la fenêtre, par la cheminée
« Une des conditions du bonheur étant de n’en avoir pas conscience, de ne pas en prendre conscience. Mais tout le monde peut l’observer : en prenant conscience du bonheur et des conditions du bonheur, on est assuré de le chasser, de le mettre en fuite. Il s’en ira par la fenêtre, n’est-ce pas, par la cheminée, enfin, il disparaîtra. Alors, une des conditions pour être heureux, c’est de ne pas le savoir. […] Et c’est comme ça que les jeunes gens, les enfants sont heureux, ils se disent pas : « Comme je suis heureux ! comme je suis heureux… » S’ils se disent « Comme je suis heureux ! », ils sont anormaux, il faut faire attention, ils vont être malheureux, ils sont déjà malheureux. Un homme qui répète tout le temps : « Comme je suis heureux », n’est-ce pas, son visage s’assombrit, déjà il a le front barré de rides et de soucis avant même qu’on l’ait interrogé. Parce que normalement un homme heureux se pose aucune question, il est heureux comme une plante bien portante qui se pose pas des questions sur ses propres pétales et qui pense pas au mauvais temps qu’il fera demain. Elle ne pense pas qu’elle sera détruite par la grêle demain matin, n’est-ce pas. Une fleur est une fleur, elle s’épanouit dans ses couleurs, n’est-ce pas, sans penser à l’avenir. Par conséquent de savoir pourquoi elle est heureuse et jusques à quand, c’est une question faite pour les hommes malheureux, les hommes soucieux. »
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