Saturday, October 20, 2012

Le Nil



Toute mon attitude, après tout, est de donner mes sources. Par des citations, paraboles. Longue haleine. C’est l’attitude de toute ma vie. Cela pourrait-il faire la matière d’un livre ? Rien n’est moins sûr. Des petits contes. Des titres. Un livre se perdrait. Un livre aurait l’usage inverse : perdre les sources. Les sources du père. Le père des fleuves. 







Il faut beaucoup d’audace pour écrire. Beaucoup d’inconscience. Si peu de choses sont valables même si vous écrivez tous les jours, sans fin sans cesse. Beaucoup de désespoir, donc (dans ce sens). Même dans mon cas, il faut tout ça. Dieu soit loué, je ne suis pas rivé à l’écriture. Je vois les écrivains comme des maudits. Des damnés. Punition divine – plutôt que de profiter du paradis – : écrire. 








Si les écrivains sont damnés, une seule chose peut les sauver, une rédemption : l’oubli. Mais, le plus souvent, les écrivains sont occupés, indéfiniment, à nommer leurs sources. Indics. Rapports de police.    






J’écris des paraboles. Je ne suis occupé qu’à ça : donner mes sources. Je ne parle que des gens que j’aime. Les fautes graves de mes amis, je les passe sous silence. Il y a un faisceau de présomptions. 

Ce que je n'aurais jamais vu




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Robert Browning



« Je me rappelle qu’un jour on lui demanda le sens d’un de ses poèmes et qu’il répondit, pour éluder la réponse : « Je l’ai écrit il y a longtemps. Quand je l’ai fait, Dieu et moi nous savions ce qu’il signifiait. Maintenant, Dieu seul le sait. »

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Thomas Gonzalez m’envoie ça.

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Love



Parabole



« Le « je » du poème est celui d’un bourgeois qui raconte que, dans sa vie, il a connu un seul poète et qu’il peut le décrire approximativement, sans être tout à fait sûr qu’il s’agisse vraiment d’un poète. Il le décrit donc : c’était un homme vêtu avec une dignité modeste, qui était connu de tous. Son habit était usé aux coudes et aux extrémités du pantalon. Sa cape avait été luxueuse en d’autres temps. Il parcourait la ville avec un chien à ses basques et en se promenant il projetait sur les rues gorgées de soleil une ombre noire et haute. Il ne regardait personne, mais tout le monde le regardait. Et bien qu’il ne regardât personne, il semblait tout remarquer. Le bruit couru dans la ville que c’était lui qui gouvernait réellement la cité et non le maire. Cela nous rappelle l’attitude de Victor Hugo qui, en plein exil, se nommait lui-même « le témoin de Dieu » et « le somnambule de l’océan ». Remarquons aussi que Shakespeare parle des « espions de Dieu ».
De cet homme, on disait que toutes les nuits il envoyait des rapports au roi – ici il faut comprendre que le mot « roi » équivaut à « Dieu » – et qu’il menait chez lui une vie somptueuse, avec des esclaves nues pour le servir et des toiles du Titien aux murs. Mais le bourgeois le suivit une fois et il se rendit compte que tout était faux : l’homme s’asseyait sur le seuil de sa maison, en croisant ses jambes sur son chien. Sa maison était récente, il n’y habitait pas depuis longtemps et il prenait ses repas avec sa gouvernante. Puis il jouait aux cartes et se couchait avant minuit. Le bourgeois l’imagine ensuite à l’heure de sa mort, il imagine les armées d’anges qui l’entourent et qui l’amènent à Dieu, lui qui faisait métier d’observer les hommes. Il conclut par ses mots : « Je n’ai jamais été capable d’écrire un vers, allons nous amuser. » »

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En tournée, again


Photo Rémy Héritier.

La plus belle phrase est une phrase de jalousie



« Mais quand il la voyait si heureuse, il soupçonnait qu’en son absence, elle continuait à être heureuse et à sourire. »

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Lecture d'Hijikata



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« What is that friend who is God ? »



Je vais finir par être content de moi. Qu’est-ce que vous voulez ? Je ne connais rien. L’ignorance crasse, je connais. Je suis dans un château – vide – des ouvriers à un étage inférieur ; on ne me dérange pas. Et, là, j’ai des livres – cette chambre grandiose sur le Tarn – j’ai des livres qui parlent de la littérature anglaise – une radio branchée sur France Musique par Babeth. A l’instant, Cecilia Bartoli chante qqch de très émouvant, un auteur que je ne connais pas * – il est 10h33 sur France Musique. Le fait est que je ne connais rien. Mais rien. Ignorance crasse, je connais. Et c’est pas faute d’avoir passé sa vie à lire les journaux ! Mais rien. Tant d’effort pour une passoire. Tenez, là, je relis infiniment l’article de Philippe Lançon – certes de haut niveau – sur Edward Hopper. Les sources, les évocations… Et, physiquement, aussi, j’ai beaucoup perdu. Hier, je suis allé à Albi – en vélo – eh, bien, j’étais presque fatigué – il est vrai que le vélo a un frottement que je n’arrive pas à déceler, interne, mais comme une dynamo. Je suis rentré – comme me l’avait suggéré Babeth – en mettant mon vélo dans le train. Les trains du conseil général – c’est écrit dessus – est-ce que la SNCF n’a plus les moyens de payer pour les dessertes locales ? Je m’ennuyais dans le train, je m’ennuyais jusqu’au moment où je me suis laissé aller à regarder les gens, un jeune surtout puis un autre, etc. Un jeune qui avait décidé de se mettre en débardeur malgré la bruine, le crachin, le gris un peu, pas vraiment froid, il est vrai, moi, j’avais un peu froid, mais lui, le jeune, pas froid, c’est normal, beau comme il était – beau pour un jour – le débardeur bien blanc, j’ai cru qu’il l’avait fait exprès. Il l’avait fait exprès, bien sûr. Se montrer, oui. Il devait se regarder dans la glace beaucoup. Forcément. Extasié. Il n’a que ça. Ce qu’il est aujourd’hui. Ce corps. Bien fait. Il n’a rien d’autre que ça. Il s’ennuierait. Lui aussi. C’est pour ça qu’il s’est mis comme ça. En face de moi. Pour me distraire.

« Le ténor est aujourd’hui derrière les barreaux d’une prison. » (11h03 sur France Musique.)

« Il ne sert à rien de dire, encore faut-il bien dire. » (11h04 sur France Musique.) Etc.






* Agostino Steffani.

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Faiblesse et presque peur en lisant le poème Christabel



Il y a un état – une étape, un étage – où écrire est le mal – si on peut dire – où écrire se rapproche – se rapproche comme du feu (ce ne sont que des approximations) – se rapproche de non écrire – le moment où – rien – dans la vie : rien. Le moment maudit, le moment interdit. Vous ne pouvez rien dire de où vous êtes sur cette terre ou dans quel état – vous n’avez plus forme humaine. Presque. Presque plus. Il ne s’agit pas de publier, alors, à ce moment… D’ailleurs, la société vous effraye. Vous vous êtes isolé – mais, soudain, depuis combien d’années ? La solitude à peine amenée* (comme un soulagement) vous déplaît. Vous êtes proche du mal. Le mal dont vous ne savez rien – dans l’histoire de Dieu. Problème insoluble, problème irrésolu… Vous êtes dans un château. Pas une brique, pas une tente – un château. Pas un pigeon, pas une tente, pas un carton de bohémien – non, vous êtes dans un château. Pas un manoir normand – un château. Il fait froid, il fait chaud. Les portes et les fenêtres sont ouvertes. Ce n’est pas l’été et ce n’est pas grave. Vous vous emportez.

« Plus tard, Victor Hugo dirait que le monde devait être imparfait, parce que s’il était parfait il se confondrait avec Dieu, la lumière se perdrait dans la lumière. »

« D’après ce qu’Irénée expose de leur système, les gnostiques avaient imaginé un premier Dieu. Ce Dieu est parfait, immuable et de lui émanent sept dieux, qui correspondent aux sept planètes – le Soleil et la Lune étaient considérées comme des planètes à cette époque – et dont émanent à leur tour sept autres dieux. Ainsi se constitue une sorte de haute tour de trois cent soixante-cinq étages. Cela correspond à une vision chronologique, aux jours de l’année, mais, quoi qu’il en soit, chacun de ses conclaves de dieux est moins divin que celui qui le précède, et au niveau le plus bas la fraction de divinité tend vers zéro. Or c’est le dieu de ce dernier étage qui crée la terre, voilà pourquoi on y trouve tant d’imperfections : elle a été créée par un dieu qui est le reflet du reflet du reflet du reflet, etc., d’autres dieux plus élevés. »

Il y a toute cette eau qui coule en permanence, comme une cascade…






*amorcée.

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Le Château de multiple durée



Ô labyrinthe de mes pensées, labyrinthe et crépuscule. Labyrinthe et labyrinthe. Les bruits des oiseaux sans même une fenêtre pour distinguer rêve du rêve. – Quelle route ? – « Dans une sorte d’oisiveté ou de labyrinthe », c’était le mot, le mot qui était – j’étais à vélo – le mot qui était associé à « labyrinthe », je ne retrouvais pas…
Le tumulte de la cité *, sur les hauteurs de la cité, apercevant, perdu, perdu dans ses pensées… « Oisiveté ».







* Si je voulais faire comme Stéphane Bouquet, expliciter, un peu, les poèmes (ce qui forme chez lui de nouveaux poèmes), la ville : Albi. 

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Le Personnage



« Pour un écrivain, une des œuvres les plus importantes – peut-être la plus importante de toutes – est l’image qu’il laisse de lui à la mémoire des hommes, au-delà des pages qu’il a écrites. »

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Accord de Coleridge



« Nous sommes des attributs de Dieu, des adjectifs de Dieu, des moments de Dieu, mais nous n’existons pas réellement. Seul Dieu existe. Je pense à un vers d’Amado Nervo, qui exprime cette idée : « Dieu existe. C’est nous qui n’existons pas.  » Coleridge aurait été parfaitement d’accord avec ce vers. »

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L’Archétype de l’homme romantique



« for what he failed to do »

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Puissance indélébile du sommeil. Dormir comme une souche. Et puis les canards… La rumeur du barrage comme un chantier dans la forêt…

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