Thursday, June 14, 2012

« My beautiful wife is considering dinner »


Photo Philippe Gladieux (cliquer pour agrandir).


Tout est possible avec cette pièce, même le succès ! Ce soir, le travail ne s’est pas arrêté à la représentation, il a fallu faire le service après-vente comme à Avignon aux plus beaux jours ! Ça n’a rien à voir. Boire pour être en représentation avec un public conquis, « participatif », talentueux, à qui la représentation a appartenu et boire comme les autres soirs juste pour décompresser avec un peu d’amis qui trouvent ça très bien. Il faut dire que – je ne sais pas pourquoi – pour la première fois, presque, la salle était pleine, que Valérie avait ramassé des tonnes de pétales de roses, que Lucien  Reynes est venu en guest, que Olivier Martin-Salvan m’avait amené toute une famille inoubliable de chanteurs baroques, il faut que je note leur noms, ce sont des chanteurs absolument exceptionnels (quel génie, ce Martin-Salvan) : Jeannne Monteilhet et Bertrand Dazin + nouveau-né). J’avais oublié qu’ils devaient venir aujourd’hui, quand je les ai vus débarquer trois quarts d’heure avant la représentation,  je me suis dit : « Oh, my God ! comme si on avait besoin de ça… » Une des plus belles rencontres de ma vie. Et Lucien a été comme un dieu (qu’il est !)  Le noyau dur, l’EQUIPE qui joue quoi qu’il arrive, invités ou pas invités, qui réinventent le monde tous les jours, ouvrent des territoires, explorent et surtout trouvent, trouvent les passages pour que jamais, jusqu’à maintenant (mais ça pourrait arriver), jamais la représentation ne se soit effondrée, n’ait pas été unique et inventée, parfois, le plus souvent, avec des départs massifs et un taux de remplissage en berne… Mais ce soir, non ! tous les ingrédients du succès étaient réunis, ont été réunis, ça n’aura peut-être lieu qu’une fois, c’est sûr, même, c’est le principe, on rebat les cartes tous les soirs, mais quel bonheur de sentir qu’on n’a même plus besoin de regarder ce qu’il se passe car on le sent, c’est dans les gradins que ça se passe, ce n’est plus sur scène, enfin ! enfin, ça se passe dans le public. Je n’arrêtais pas de le leur dire : on peut aussi faire un succès avec cette pièce, avec ce spectacle, vous savez (ou ne savez pas), ce n’est pas si éloigné… Ça parle au cœur, ça peut parler au cœur, ça doit parler au cœur… De sentir que tout d’un coup, ÇA PREND. Chez les spectateurs, enfin, le but atteint. C’est chez eux ! ça leur parle, ça leur paraît pas du chinois… Enfin, Falk Richter qui était là ce soir (et a beaucoup aimé, quelle joie !) m’a dit qu’il a entendu son voisin dire à un moment : « Ça devrait être interdit de faire des trucs pareils… » Ça me rassurerait presque. Voilà ce qu’on essuie tous les jours et qui était miraculeusement effacé ce soir, je peux, je veux en témoigner. Les difficultés recommenceront demain, n’ayons crainte…  Mais ce soir, le dieu du théâtre a ouvert son manteau de nuage et a daigné, du bout des lèvres, paraître en scène, c’est-à-dire, comme disait Barbara, sourire.

Il y a tellement besoin d’amour dans ce monde, tout le monde en veut, tout le monde en prend…

Labels:

Pour Jean-Baptiste...

Photo Marc Domage. JE M'OCCUPE DE VOUS PERSONNELLEMENT.

Labels:

Le contraire de la vérité, c'est la raison

(Olivier Steiner)




Yves-Noël Genod : exercice d'admiration numéro 8

Ce n'est pas faire injure aux autres acteurs que de le dire haut et fort, la star du spectacle, l'étoile du berger, le point d'ancrage, l'alpha et l'oméga, Vénus, le nœud autour duquel s'enroule le jeu de l'amour et du hasard d'Yves-Noël Genod, c'est quand même elle, Vérité Dréville. Ah, le sourire de Vérité Dréville ! J'en suis tombé amoureux. Ce sourire qui est un enchantement, sourire « normal » à mi-chemin entre celui de la Joconde et celui de Ségolène Royal. « Mère de tous les sourires, sourire de toutes les mères ». Jean Pierre Ceton a eu une très belle formule : Dréville rit le texte. Peux pas mieux dire. Elle rit les phrases, dans le texte, dans les maux du texte. Ah si Claude Régy avait choisi Valérie pour Psychose 4.48 ! Valérie et non Isabelle ! Valérie et Isabelle ? C'est comme Madonna et Marilyn, c'est toute la différence entre la chair et les muscles. J'aime bien les muscles, ça peut être sexy, j'aime bien Madonna et Isabelle. Mais bon, les muscles, on s'en lasse vite et ça vieillit mal. Quand Valérie arrive sur le plateau et qu'elle s'avance vers nous, ses yeux dans nos yeux, elle semble dire : Bonjour, je suis une pâquerette, ça va bien, vous ? Quel genre de fleur êtes-vous, vous ? Vous voulez que je vous raconte une histoire ? Oui ? Non ? Alors, voilà, il était une fois... Et puis non, il n'était aucune fois, il ne sera aucune fois parce qu'une fois c'est jamais, voilà, et sur ce je vais me suicider. Car j'ai une crise mortelle, moi, vous savez. C'est comme ça ce soir. Peux rien y faire. Et Valérie sourit, dans le suicide, Vertige Dréville.
Chez Yves-Noël, Valérie, c'est simple, on dirait qu'elle n'a jamais fait de théâtre. Elle découvre la chose, oublié les heures de vol sur le plateau, like a virgin, candle in the wind, pourrait-on dire. Bal d'une débutante. Et pourtant, légers, ils sont là, Vitez, Régy, Vassiliev. Ils sont là comme des ombres chinoises, des sourires, des épaules fortes. 
A l'Odéon, Vérité Dréville, je l'avais vue se consumer dans Phèdre, chaque soir. 
Au Rond-Point, pas de consumation mais des départs de feux, multiples. Je pense à Maria Casarès qui disait à la fin de sa vie : « Je cherche encore. » Le sourire de Valérie s'élargit parce qu'il cherche encore, il cherche toujours, il est au commencement de la recherche. Casarès et Dréville, mère et fille, je trouve, fille et mère.
Je pense aussi à Camille Laurens, je vois des correspondances entre Valérie et Camille. Une même douceur en apparence, une même force sous la peau, pas du tout vulnérables ces femmes-là, fragiles oui, épidermiques, mais vulnérables, surtout pas, dans le derme c'est robuste. Camille comme Valérie ne vous diront rien du malheur ambiant, elle savent trop bien que c'est l'Impossible à dire, le malheur. Malines qu'elles sont elles s'arrêtent avant de le dire et c'est tant mieux. Mais tournant autour, en cercles concentriques de plus en plus petits, de plus en plus précis, elles arrivent à toucher quelque chose, un ordre juste, quelque chose qui finit par dessiner les contours de ce malheur dont je parle, qui est là, partout. Et c'est précieux. Même si c'est terrible à entendre. C'est précieux comme la vie. Lire et relire le récit de Camille Laurens, Philippe. 
Ecrire, jouer, ce n'est pas découvrir un monde, créer un monde, c'est redécouvrir. 
Avec Valérie, je redécouvre. Même le mot le plus simple comme « argent » ou « passeport », je l'entends comme si c'était la première fois.  Bien sûr, dans ce spectacle Valérie ne serait pas Vérité Dréville s'il n'y avait sur le plateau et Marlène et Dominique et Anne et Alexandre, Lorenzo et Philippe. Elle n'est pas seule et ce qu'elle fait vient des autres, des poules, des plantes et du grillon aussi bien. 
Ah Vérité Dréville, quel bonheur ! Quel bonheur sans mièvrerie ! J'en ai tellement marre des zombies, des dépeceurs narcissiques, des collines qui ont des yeux, de l'échelle de Jacob, de Freddy les griffes de la nuit, Dexter, Merah, etc. Moi je veux des cui-cui dans les arbres, du miel et de la compote de rhubarbe. Veux des bisous dans le cou, des petites filles qui rient dans les champs et des pots de colle Cléopatra. Vraiment ras-le-bol de la barbarie quotidienne. Limite nausée. Je veux de la délicatesse dans la vulgarité. Je veux Valérie Dréville chez Yves-Noël Genod. Voilà, c'est dit. 
Le contraire de la vérité n'est pas le mensonge, ou l'erreur ou le faux ou la fiction. Le contraire de la vérité, c'est la raison.

Labels:


Frédéric Danos
C’est vraiment très beau, une sorte de porte du paradis, une chose dont le seuil suffit













Danièle Delaire
Hier
Dehors, mais aussi dedans... différentes Présences nous emmènent simplement voir et c'est bouleversant. MERCI à tous, le déroulement est magnifique. Danièle 

Labels: