Mademoiselle TesteChose promise, voici les questions que j'aimerais vous poser en vue de la publication de l'entretien.
Il porte sur
Chic By Accident, mais aussi sur vos choix de travail.
1- Que conservez-vous précieusement de votre formation d'interprète lorsque vous mettez en scène ?
Rien et tout. Je comprends les acteurs. Ça a été longtemps la seule qualité que je me reconnaissais. Depuis quelque temps, je suis devenu plus prétentieux (et les acteurs plus sauvages).
2- De cette pièce, vous dites qu'elle est cousue sur mesure, qu'elle s'enroule autour des comédiens : quelques mots sur sa genèse ?
Des auditions. La salle s’est libérée par hasard quelques jours en décembre, j’ai donc décidé de faire des auditions (j’adore ça…) J’ai rencontré très vite Charles Zevaco et Wagner Schwartz, ce sont eux qui ont donné le ton de la collection. Je me suis référé ensuite à ces premiers jours (en particulier pour le déshabillé obligatoire…)
*Qu'avez-vous voulu traiter ensemble ?
Le vivant. Ça aussi, ça a été clair dès le début (voyez comme je suis devenu prétentieux). Plus précisément, je venais de proposer un diptyque « sur la vie », pratique et théorie, au théâtre de la Cité internationale : premier volet (pratique) très joué par une troupe, comme une famille d’acteurs et deuxième volet (théorique) dans la disparition de cette troupe : sans acteurs, uniquement un son et lumière. Pour la Ménagerie que j’étais vraiment heureux de retrouver, ce laboratoire, un des meilleurs du monde, il fallait aller plus loin : travailler avec des acteurs, un groupe important, et avec leur disparition en
simultané. « Je me consacre à la loi merveilleuse de la cause et de l'effet. En fait, la loi merveilleuse de la simultanéité de la cause et de l'effet. Enseignement de la fleur de lotus qui a à la fois la fleur et les fruits. Décision profonde = résultat (immédiat). »
3-Comment rencontrez-vous / choisissez-vous les acteurs avec lesquels vous travaillez ?
Par désir. Philippe Gladieux, l’éclairagiste a dit tout à l’heure : « Quand je me mets à tomber amoureux de tous les gens qui participent à un travail, je sais qu’il est réussi. » C’est vrai.
4-Que dire des errances des acteurs sur le plateau ? des rencontres à peine dites qui adviennent ?
Tant qu’on voit des errances, ce n’est pas encore là (vous n’avez vu qu’une répétition). Non, on vise la plénitude (sinon rien). Voyez la prétention. Georges Bataille a donné une image pour le concept de « souveraineté » qu’il a inventé : la vache dans le pré. Je ne crois pas à l’errance.
5-Les noirs comme des tombés de rideau derrière lesquels rien ne s'arrête accentuent une durée continue et fragmentée. La lumière accompagne, souligne, inclut... Qu'est-ce qui vous a amené à travailler avec Philippe Gladieux ?
Un miracle. Une rencontre. Si ce mot a un sens. Il est venu vers moi au théâtre de la Bastille et il m’a dit : « Voilà, je suis disponible, j’aimerais bien, peut-être, te proposer des choses. » Je n’avais pas d’argent à lui proposer, je ne cherchais personne, il savait tout ça. Il a été là, peu à peu, d’abord sa gentillesse s’est imposée puis, ensuite, bien sûr, son immense talent.
6-Comment s'écrivent les parcours dans l'espace ?
Par oubli et mémoire.
7-Le dépôt des différentes « apparitions » à l'intérieur d'une continuité palpable plonge dans une attention à la fois intense et flottante : quelle place accordez-vous au témoin « spectateur » ?
Tout se passe en lui, dans son noir intérieur. C’est toute l’astuce. Arriver à déclencher chez lui (le spectateur) la production d’images.
8-Vous évoquiez l'impossibilité de répéter le vivant qui advient lors du jeu des acteurs. Qu'est-ce qui entraîne à recommencer tout de même ?
Ce paradoxe : le théâtre.
-------------------
9- Que nous veut ce maquereau ?
Ah, ça… Le poisson… Des livres entiers, immémoriaux…
10- Un matelot apprend-il à voler ?
Si vous l’avez vu…
11-Jeanne Balibar est-elle de ce monde ?
Pas complètement. François Truffaut avait dit de Fanny Ardant : « Elle vient d’un pays qui n’existe pas. » C’est le plus beau compliment qu’on puisse faire à une actrice.
12- Peut-on vivre et mourir, nu et sandales dorées ?
Absolument.
13- et tant d'autres choses...
-------------------
Je vous remercie pour le temps que vous voudrez bien consacrer à cet entretien et, par la même occasion, pour votre travail.
Ils sont, vous êtes, si beaux.
Marie-Juliette Verga
Labels: ménagerie