Monday, January 09, 2012

Le Mexique m'excite




« Je parle de la ville,
nouveauté d’aujourd’hui et ruine d’après-demain
chaque jour enterrée et ressuscitée,
conviée dans les rues, les places, les autobus, les taxis, les cinémas,
les théâtres, les bars, les hôtels, les pigeonniers, les catacombes,
la ville énorme qui tient dans une chambre de
trois mètres carrés, interminable comme une galaxie,
la ville qui rêve de nous tous et que dans nos rêves nous faisons, défaisons et refaisons. »

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Prière aux grilles du Templo Mayor



Même moi qui suis souffrant, qui suis fautif, qui suis assassin, le monde me loge et me console
L’amour, comme une pierre, a été enlevé du monde
(d’un souffle cosmique)
Mais le monde, fragmenté par la lumière, nous repose, moi et l’amour ou son absence comme, dans une forêt vierge, le vide
Le vide de pierre, insuffisant. Lente désagrégation
Il y a, juste l’instant, le sourire, le soupir qui ne se remarquent pas
Chacun des cierges envenimé
Mais la rue en pente ne l’est pas au cœur
« Rapido », au cœur, ne veut rien dire
Point central

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« On connaît à Mexico des demeures vastes, somptueuses, calmes, entourées de jardin, surtout dans le quartier dit de Las Lomas. Il n’est pas rare d’y trouver un Picasso dans le vestibule. Quelqu’un m’a raconté – mais je ne l’ai pas vérifié – qu’un homme richissime, un marchand de sodas, quittait sa demeure le vendredi soir pour aller en week-end avec sa famille. Ils partaient dans deux voitures et rejoignaient le ranch sans être sortis des murs de la propriété principale, à l’intérieur même de la ville. »

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« Tout Le Clézio quand j’ai été ado »




Dans le club, je m’énervais avec David, complètement bourré, je lui disais que je ne voulais pas parler, pas l’écouter, que la musique était trop forte, le rabrouais. Le lendemain, j’avais honte et Gaby m’expliquait que David était autiste, légèrement, une forme créatrice d’autisme et qu’il faisait des bijoux somptueux pour les plus grandes marques, Givenchy, Tom Ford…, en ce moment, il travaillait avec des vertèbres de… serpent ? mais ne dit-on pas les invertébrés ?... de reptiles, sans doute… Plus tard, dans la voiture, on parlait encore de David, il avait fait chier tout le monde, mais tout le monde l’aimait…

J’avais aussi perdu pied, trace avec Ludwig, un architecte très beau, collaborateur de Manou, qui, au début de la soirée, avait déployé une séduction d’enfant heureux. Mais il s’était noyé dans la coke, c’était insupportable : il avait passé un quart d’heure à me dire qu’il ne remercierait jamais assez ses parents de l’avoir appelé Ludwig… Le lendemain, je l’avais recroisé, encore au lit, non, il n’allait pas à Sta Catarina (état de Morelos), il devait travailler sur le chantier (un nouveau bar, encore des pages et des pages dans « Wallpaper »).

Cristian et Eva, ça, c’était triste, avaient voulu parler de leur « problème de couple ». J’avais dit une chose ou deux comme : « Il faut se remarier tous les trois ans, y compris avec la même personne » et je m’étais éclipsé. Cristian et François lui aussi intéressé et par les problèmes de couple et par Eva voulaient me retenir : « Reste, Yvno, reste ! » J’avais dit : « Je ne suis pas psychologue olympique ! », allusion au nom d’un lutteur qu’on était allé voir quelques soirs avant (en fait, mal traduit par François : Psychose Olympique).

Le club était très beau, vraiment, avec des hauteurs de secte, de cathédrale, des noirceurs et des clartés de bois blond, il ressemblait à une énorme enceinte, en un sens, mais François ne l’aimait pas, non, trop de « sécurité », de filtrage à l’entrée, il voulait danser la cumbia.

On était passé dans la partie clandestine qu’on s’était fait ouvrir, sorte de coulisses, de cache qui rappelait la prohibition aux Etats-Unis…

La maison était originellement celle de celui qui avait introduit le communisme au Mexique. M. N. Roy.

Grands canapés, une lampe blafarde au plafond. De très belles filles, de la drogue. Des flingues.

C’était dans l’escalier métallique de cet arrière-décor que Cristian et Eva avaient voulu parler de leur « problème de couple ».



En sortant, je remarquais le superbe travesti physionomiste.
Le lendemain, on m’apprit que cette célébrité s’appelait Semoi. Manou, dans la voiture, disait qu’il l’écrivait même « Z.e.m.m.o.a » (pour mon carnet).

A l'entrée, au dehors, des jeunes gens magnifiques de fraîcheur et de disponibilité comme il y en a partout dans le monde (à Paris, aux soirées Flash Cocotte, par ex.) s’entassaient contre la porte puissante.

Le lendemain, dans le quartier de la Roma, je reconnaissais les hipsters dans la rue. Ce n’était pas moi. Ce n’était pas Manou non plus. Manou disait qu’il était « old school ».

Aimais-je ma condition ? Ni en couple ni travelo, pas d’amour, pas de problème. Oui, j’aimais ma condition. Dans mon cas, les amis comptent beaucoup. Je vivais en parasite au crochet de mes amis.



Sur la route pour Sta Catarina – route magnifique qui passait un col à 3100, pins et pâturage, volcans formes chinoises – il y avait le plus grand virage du Mexique (ou de toute l’Amérique latine, je ne sais plus ce qu’a dit Manou).
Curva Peligrosa.
Le « virage de la Poire ».
Il fallait retenir sa respiration jusqu’au bout.

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Notre-Dame des Images (2)
















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Jean Pierre Ceton

Pourquoi parler en janvier d'un spectacle de décembre ?
(Yves-Noël Genod)

par Jean Pierre Ceton et Alexie Virlouvet



D'abord parce qu'il s'agit d'un des spectacles de Yves-Noël Genod, qui ne sont jamais représentés très longtemps, un ou quelques jours en général. Et puis parce qu'il montera un spectacle bientôt, car en contre partie il en fait assez souvent (plus de 40 depuis 2003). Bien sûr ses spectacles sont tous différents, il dit ne pas savoir chaque fois ce qui va se passer. Mais ils ont sans doute en commun un chemin de désir vers la beauté.
À une semaine d'intervalle, il présentait au Théâtre de la Cité internationale de Paris – je peux / – oui, en deux parties, surnommées, comme l'auraient fait les anciens marxistes : Pratique et Théorie. La pratique, c'est – je peux. Le lieu est une salle désossée dont il reste un grand cube noir à la Régy. Un cube libre, si j'ose dire, parce que Yv-No G nous présente son théâtre dans la liberté. D'ailleurs il nous installe, nous spectateurs, dans la liberté. On peut s'assoir un peu partout autour du plateau, sur les côtés, étant entendu que les comédiens évoluent eux aussi où ils veulent.
Yv-No G a choisi de jouer l'après-midi, pour utiliser la lumière du jour. C'est un point de rupture avec l'instance du théâtre qui en général réclame l'obscurité ou bien la lumière artificielle. Donc à peine les lumières réglementaires s’éteignent que sont enlevés les volets qui obturent les fenêtres situés en hauteur sur les côtés de la salle. Ainsi arrive la lumière modulée par les nuages qui laissent parfois filtrer des rayons de soleil. Alors l’éclairage se fait autant sur le plateau que sur certains spectateurs, qu'on peut prendre pour des comédiens, tout comme certains comédiens, on peut les prendre pour des spectateurs. En tout cas jusqu’à ce qu'il se mettent à bouger. En un premier temps pour s'en aller, de préférence en claquant bien les portes, et en déclenchant tout un ramdam hors du plateau !
Tout est libre, et tout est aussi exagérément libre.
Ensuite quand ils reviennent, c'est pour performer. Yv-No G propose un espace à ses comédiens. Ils viennent avec leurs fringues, avec leurs gestes, mais aussi avec leurs textes, il y a davantage de mots dans ce spectacle. Performer, c'est ce que fait en particulier Marlène Saldana dont la présence, quoi qu'elle fasse, déclenche les rires et/ou la séduction.
La performance s'opère à deux ou à plusieurs, des rencontres de corps pour matérialiser une rencontre d’êtres. Des corps qui se collisionnent, qui peuvent être très liés, se parler en accroche, mais qui déblatèrent seuls. Ou qui s'adressent au public, non qui s'adressent au monde.
Et puis l'envie peut leur prendre de se mettre à saluer. Le numéro du salut, Yv-No G l'avait déjà travaillé, notamment dans son Hamlet. Il se fait en cours de spectacle, il dure longtemps. A la fois il singe le salut des comédiens réglos dans les spectacles du même nom. Et puis il illustre la sortie de la représentation. Puisque c'est par le salut que se relient en général l'instance du réel et celle du théâtre, quand la vie « réelle » réapparait sur le plateau. Là, il se fait surjoué, sans fin prévisible. Ce salut, si représentatif de la représentation, est donc mis en pièces, comme est attaquée la représentation. Yv-No G dit qu'il veut détruire l’idée même de la représentation.
J'y vois un lien avec sa manière de dépasser toute vie privée dans son blogue (Le Dispariteur) ou au contraire de faire que la vie privée soit publique.
Dans – je peux, on était entré sans trop s'en rendre compte, lentement, par enchantement, jusqu'à la pause durant laquelle une coupe de champagne était proposée...
Yv-No G offre toujours du champagne à ses spectateurs. Bien sûr c'est classe, cool, sympa. Mais ce n'est pas anodin. C'est aussi une manière valorisante de considérer le « public », pas tout à fait comme du public, plutôt des invités.
« N'éteignez pas vos téléphones ! » (c'est vrai qu'il suffit de les activer en mode silencieux) dira justement Yv-No G en invite à la 2nde partie du diptyque, avant de s'assoir parmi les spectateurs.
Sans doute pour nous préparer à un voyage, à un itinéraire en tout cas. On retrouve, comme dans – je peux une bande-son très présente, tonitruante, d'opéra, de piano, d'explosions et de bruits divers autant qu'il y a de la fumée qui sort du fumigène. Exagérément. Une fumée qui forme des formes à n'en plus finir. Le « silence » dure, le temps s'écoule. Pourtant on se sent bien, on se sent devenir partie prenante, même si une inquiétude se nourrit de la durée. Car le spectacle ne cesse de commencer jusqu’à la 52ème minute !
Quelques spectateurs se regardent, nous pouffons de rire à plusieurs reprises, d'autres consultent la feuille de salle, comme pour chercher une information sur ce spectacle qui parait ne pas commencer. Sauf à être celui d’une bande-son radiophonique.
La voix de Celeste décrivant les derniers jours de Marcel Proust qui va déclencher une arrivée minimale sur le plateau ? Celle du père, puis de Marlène puis de Yv-No G himself.
Que s'est-il passé pour ce « Théorie, – oui » ? Il a fait intervenir son père et donc la figure du père. Il se pourrait qu'il en ait profité pour radicaliser le propos. Marre de la représentation, comme on dirait marre de tricher... Pour mieux en découdre, il a fait appel à une spectatrice du premier set, en l'occurrence une journaliste de France Culture qui vient dire ce qu'elle y a vu en pratique.
Ce second set d'une certaine façon ne se termine pas. A un moment des coupettes de champ nous sont proposées sans laisser la possibilité d'applaudissements. Aussitôt des conversations s'engagent, des gens partent, d'autres restent.
Il n'est pas si facile de partir, on est sous influence de ce désir de beauté. Comment cherche-t-il à l'atteindre ? Par la liberté à l'égard de toutes conventions. Pourquoi ? Pour que le désir soit l'instance de la vie. Pour que ce théâtre – qu'il fait si beau, si émouvant, si jouissif, si drôle –, soit ce que la vie serait. Que ce théâtre soit la vie. Non plus une instance de représentation, mais la vie.
Qu'on donne un lieu à Yves-Noël Genod, encore qu'il préfère peut-être l'errance ou le voyage. Mais tout de même, qu’il ait un lieu de résidence, c'est ce qu'on lui souhaite, et qu'ainsi il nous donne une sorte de spectacle à longueur d'année !

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