E crire sert à la plainte

Oui, ça va très bien. Toujours chez la coiffeuse, oui, très active, et moi si peu… Christophe Honoré dans « Le Monde » dit un peu ce que je ressens : « Je n’arrive pas à faire quelque chose de ce temps imposé, qui est un temps empoisonné ». Je ne me plains pas, mais comme ce n’est pas non plus complètement des vacances, je m’étonne de ne pas en profiter plus, de ce temps de liberté — mais, voilà, ce n’est pas du tout un temps de liberté, oui, mais — n’étais-je pas censé avoir la capacité d’en faire, moi, un temps de liberté ? Toute la littérature (du passé) parle de confinement « car elle a toujours cherché à dépasser un Interdit, un impossible, une butée. Bref, une instance au desssus du sujet qui le rendait désirant », me dit mon ami (dont je vous ai sans doute parlé) Laurent Chétouane. Comme si j’étais le sous-héros de moi-même. Un autre ami me parle de l’Ethique de Spinoza qui, lui, l’aide beaucoup. C'est un livre sublime que j’ai en effet trouvé ici, mais je ne l’ai pas encore ouvert. Salomé me dit qu’elle a fini Mon année dans la baie de Personne, c’est un livre que j’ai bien entamé, mais que j’ai délaissé. Je l’ai trouvé trop ardu. Quelque chose d’une motivation, non, même pas, un motif qui me manque… Oui, le théâtre, c’était une communauté, la recherche ou plutôt l'invention d’une communauté ; c’était ça, sa magie. C’est peut-être plus facile pour vous, avec une vie plus jeune, moins construite, je l’espère en tout cas…

Ou c’est peut-être, en un autre sens, peut-être encore plus compliqué, je pense soit l’un soit l’autre. On en est réduit à des conjectures.

Que nous puissions nous envoyer des messages, parfois comme étrangement lointains, comme des rêves, comme des bouteilles à la mer, c’est encore ça, n’est-ce pas ? ce souterrain qui progresse… Et le temps passe si vite. Cette rotation de la Terre, comment la vivre ? Les grandes valeurs (le courage, etc.), comment rejoindre ? Nous étions et sommes encore tellement l’air du temps... Je ne me plains pas, mais écrire sert à la plainte. 

Je te souhaite le meilleur, chère Laure, 

Yves-Noël  

P artage

« Ce que les êtres humains ont en partage, ce n'est pas une morale commune, mais la conscience de leur commune vulnérabilité. »