Monday, May 28, 2012

Photo François Stemmer. Valérie Dréville dans Je m'occupe de vous personnellement, au théâtre du Rond-Point.

Philosophie



Ciao Yves-Noël,

Drôles de variations taoïstes que tu nous as proposées hier accomplissant les figures les plus périlleuses de la pensée chinoise : absence de système, ne rien faire (et que rien cependant ne soit pas fait) !  

Dans ce réglage que tu intimes au temps et à tes comédiens
qui le traversent de part en part – animés par une force de dérivation, une aimantation qui a des allures d'abstinence et qui les portent à ce point exacerbé où le temps est dépris de sa propre durée.
En regardant ta création, je pensais aux fragments de Barthes dans Le Neutre où il décline le Wou-Wei : le fameux non-agir. « Ce n'est évidemment pas le contraire du vouloir-vivre; c'est ce qui déjoue, esquive, désoriente le vouloir du vivre. Ce qui est exemption du vouloir, du volontaire surtout. »
Pour laisser place à la force d'incandescence et d'épuisement du kairos de la situation.

Barthes ajoute il y a toujours l'idée en Occident que l'on doit le temps à quelqu'un, à quelque chose.
Dans ton spectacle, tu mets en oeuvre une autre idée du temps, celle du Tao où l'on s'assoit paisiblement sans rien faire, sans rien faire ne signifiant pas un néant, mais un agir de la situation elle-même, un laisser advenir des effets-fruits du passage ; sans rien faire signifie surtout sans dette, ne rien faire c'est-à-dire se retrancher de l'univers de la faute immémoriale et du projet intenable.

Chez toi, les personnages sont vraiment des personnes qui nagent, brassent le flux des formes et passent par toutes les embrasures ou clairières du temps jusqu'aux fenêtres, et c'est là qu'ils bougent le mieux. D'un lointain d'une blondeur ou d'une moire en hors-champs venant faire scintiller le centre nu. Se meuvent alors l'air d'une Deneuve revenue de Répulsion manger longuement et placidement une pastèque le temps d'engloutir l'humeur et la nostalgie des Demoiselles de Rochefort et de nous embarquer auprès d'une autre figure archaïque et cependant sauvagemment contemporaine déclinant tous les répertoires de nos imaginaires actifs, La Dréville-Médée en son « Qui suis-je ? » matriciel.

En tant que femme de logos (trop sans doute), j'ai juste regretté plus de mots, même s'ils pourraient être désarticulés, en démantèlement, plus de sons peut-être devrais-je dire. Ce Je m'occupe de vous personnellement est vraiment un acte d'ascèse sur l'intime, d'exégèse du temps et du silence.
Roland Barthes encore: « Le kairos, la contingence, une image haute du Neutre, comme non-système, comme non-loi, comme art de la non-loi. »
Ton spectacle : incarnation du Satori tel que le définit Barthes : un accès d'incandescence du moment dans sa pure exception.

Bravo à toi et ton équipe,
vv

(Violette Villard)



Et aussi je ne sais si tu connais les Christ en acier d'Adel Abdessemed, les quatre qu'il a exposé à Colmar – hier, je me voyais bien, au fond de ton plateau faire une christesse en épines dorées, martyre immobile et sans feu, s'enchevêtrer tout au long de la représentation de ces fils bronze et or, toujours cette même vision de participer de tes spectacles.



Mais sans doute doit-elle rester à l'état de vision… Jette un oeil à ces Christ de Colmar ils sont saisissants !














Merci. Je lirai – en essayant de mettre le ton – ta lettre aux pauvres acteurs (je leur en demande tant, c’est vrai…) Oui, tu ferais très bien la « christesse », mais c’est justement pour ça que je ne t’emploie pas : TROP DRAMATIQUE (et en totale contradiction avec ce que tu dis d’asiatique, je crois…)

Des bises, très chère et très belle – bien plus belle que les fils de fer, certes saisissants, de François Pinault ! – Violette


Yvno

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L'Opium rose



Salut Yves-No,

Je suis venue hier au Rond-Point avec, dans la tête, l'idée que voir un spectacle signé de toi avant une audition importante, pouvait porter bonheur ! Comme une leçon de présence magnifique, lumineuse, et aussi comme si tu étais un peu Mr. Soleil, qui peut faire des miracles. Voir ton Manège du Parc m'a boosté pour l'audition d'entrée au TNB. Je passe La Petite Catherine de Heilbronn vendredi là. Tu peux être sûre que je penserai à l'opium rose, au sourire de Valérie Dréville, à la pastèque, à la fille en rollers in line, à tes Prada, à Diego libre dans sa tête, aux odeurs jusque dans mes yeux et aux lumières jusque dans partout...

A bientôt, et je te souhaite bien de bonheur avec ton équipe belle, belle, belle comme le jour.

Clémence

(Clémence Prévault)














Merci ! Donc, vendredi, je penserai à toi ! N'hésite pas à me le rappeler la veille ou le matin par sms, hein ? J'ai des talents. J'ai des dons. J'ai fait rentrer mon assistant du moment, Simon Bourgade, au conservatoire ! The conservatoire. Pas été une mince affaire (trois tours !) C'est vrai aussi que j'ai loupé avec Robin Causse, un acteur somptueux que j'ai employé, mais quand même tu as raison, je crois, de me mettre du côté de tes chances ! 
Bises


Yvno

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Reste comme une empreinte



cher Yves-Noël,

j'ai passé une très beau moment au Rond-Point hier soir.
Manège du Parc, le titre, je l'ai lu sur ton blog après avoir vu le spectacle, va bien avec ce spectacle, je trouve, une maison comme un manège ; je réalise qu'il y avait peut être, oui, ce mouvement circulaire et infini, hier soir,
une maison pour « être ».
j’y ai vu des personnes qui vivent, dans un apaisement quasi-étrange pour notre temps, des rêveries, 
les acteurs semblent nous montrer comment respirer,  sentir, 
le temps est très présent,
la possibilité du silence, que j'aime toujours absolument dans tes spectacles, Chic by Accident, La Mort d'Ivan Ilitch...
la maison comme prison, aussi, avec ces textes incroyables d'Hélène Bessette, et Valérie, vraiment belle et bouleversante ; j'ai été très émue par sa présence, sa force, jusqu'aux larmes.
la vie et la mort, 
les corps perchés aux fenêtres, semblant fuir, ou peut-être simplement  disparaître pour un temps,
cette maison est belle,
la pluie aussi magnifique, on la regarde pendant plusieurs minutes, tout simplement,
la lumière de Philippe, un jeu, lui aussi vit ici, je me suis dit.
il y eu des moments parfois longs, mais pas d'ennui, j'aurais pu rester avec eux une heure de plus,
la pièce se poursuit et cela semble infini…
ce temps est nécessaire, je le comprends maintenant ; pour que l'expérience de cette maison, sa température, son rythme, reste comme une empreinte,
je suis contente d'être passé dans cette maison, 
j'aimerais en trouver une comme cela, pour cet été…
contente aussi de t'avoir fait une bise, 
à bientôt,
Marion


(Marion Camy-Palou)












Merci ! Oui, on se quitte pas de vue et de bise, hein ? Et trouvons une maison au moins pour l'été, tu as raison !


Bises


Yvno

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Juste avant le spectacle du soir

(en traversant la rue)