Friday, June 03, 2011

Je me demande si habiter dans une volière me plaît. Il y a les oiseaux et il y a le sale temps. Je pense à Simon Gauchet qui, lui non plus, ne s’arrête pas (et imite très bien les oiseaux). Et je pense à Louis-Ferdinand Céline qui fait remarquer (dans le Voyage, c’est le seul que j’ai lu) à quel point la campagne est insupportable. Je pense qu’il parle de la campagne africaine. Qu’est-ce qu’elle dit, Duras ? C’est facile à lire, Duras. Il y a des jeunes gens qui lisent Duras, qu’ils n’ont pas connue, très bien, sans le ton. Rémy, Solène, il y en a un qui a travaillé avec Jean Pierre Ceton, Vincent.

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Nuit d'avril



Photos Marc Domage. 1er avril.

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L’Artiste

La grande nuit, on lit des magazines. On a acheté des magazines. J’ai envoyé tout le monde au bourg. Il fait si froid, si gris. Quelqu’un a dit dans le village, Moi, j’ai connu la neige tous les mois de l’année. La neige, elle parle, elle mugit, elle vit. Elle roule autour de la caravane. Il faut passer le col. Le col enneigé. Il est tout seul dans la nuit. Il ne voit pas la route. Il y a des bâtons dans la neige pour voir la route (pour suivre la route effacée). C’est la nuit, c’est la pluie. La rivière qui était sèche (il a fait jusqu’à trente degrés) recueille l’écoulement de la pluie, comme une grande gouttière. Mais qu’est-ce qu’elle dit que je ne connais pas ? Je ne peux pas écrire comme ça sans connaître. Est-ce que je peux dire là que je pense à Pierre ? Oui, beaucoup. C’est dingue. Sais pas pourquoi. Je lui écris des choses que je me retiens de lui écrire. Que je pense à lui toujours, le soir, dans la caravane. Si nous étions ensemble, ça ne changerait rien. Comme nous ne sommes pas ensemble, ça ne change pas non plus. Pierre. Je me disais, Moi, je sais ce que c’est qu’un artiste, oh, non, ce n’est pas moi, moi, je sais ce que c’est. C’est Pierre. C’est le seul artiste que j’ai jamais rencontré. En un sens. Je le pense, oui. Je le sais. J’aimerais bien continuer Barbara avec lui. Parce que c’est ça, le fond de cette histoire, c’est de travailler avec lui, de le toucher, lui. Je pensais à lui aussi à Gennevilliers, à lui à la flûte. Oui, c’est le seul artiste que j’ai jamais rencontré – mais qui peut s’en rendre compte ? Pas grand monde, non. Moi. Oui, moi.

« Je t’aime toujours, chaton. J’aimais bien la parenthèse de ton amour dans ma vie. »

C’est dommage que les homosexuels soient si attachés au sexe. Moi, je suis attaché à l’amour et au sommeil. J’aimerais bien qu’il vienne redormir à la maison. Mais il n’aura pas le temps. Travail et sexe – sont attachés les homosexuels. Moi, tout le reste. Ni le travail ni le sexe. Non : le mugissement du sommeil. Pierre est un artiste. Il dort bien.

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Déserter l’enfer

La neige débloque la situation. On parle de faux-semblant. On lit Duras, Sarraute, Flaubert. Duras parle du mois de juin, du mois qui ouvre l’hiver. C’est le cas. Et madame Bovary agite son mouchoir. On a froid. On rêve de bonnet de nuit. C’est drôle d’avoir oublié. Ou d’avoir pensé que ça ne se reproduirait plus. Car c’était le cas l’année dernière. Déjà. Il fait quatre degrés. On chante Barbara. On rêve. On rêve qu’on rêve. Qu’on meurt dans la neige. Dans la chaleur finale, fiancée. On parle d’Hollywood, de la boulangère, du Songe, de Strindberg. Qu’on nous laisse seuls dans l’enfer, dit quelque part William Faulkner. Seul avec ma sœur. « Je vais essayer de le retrouver… », dit Bénédicte. Puis : « Il fait toujours du bruit, ce machin… » Mon ordi est tombé. Mais il a survécu. Semble-t-il. Brave petit. « Si seulement nous avions pu faire quelque chose d’assez horrible pour que tout le monde eût déserté l’enfer * pour nous y laisser seuls, elle et moi. »



* Plus-que-parfait du subjonctif.

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« Cette chance, l’anonymat. »

« Je crois énormément que l’inconscient, c’est pas qqch qu’on a en nous, comme je disais au début : « c’est une boule fermée qu’on porte en nous », l’inconscient, c’est entre les corps. Pour ceux qu’ont fait une analyse ou qui en feront peut-être un jour ou qui en feront jamais, l’inconscient, il existe quand on parle à son psy, c’est là où il apparaît. C’est pas qqch qui est fermé, c’est toujours en relation à d’autres. »

« C’est très beau d’ailleurs quand un spectacle commence. Si j’oubliais qu’j’vais voir Elektra, ou qu’j’vais voir je n’sais quoi, l’actrice arrive sur scène, je sais pas le titre du spectacle : c’est magnifique. Elle a pas encore parlé, je ne sais pas qui elle est, ce qu’elle fait, ce qu’elle va dire. »

« Ils sont ensemble, ils vivent ensemble, ils dansent ensemble, ils se touchent, ils se parlent, ils communiquent, c’est pas avec des mots. Et on ne sait rien. Et, en même temps, on a l’impression qu’ils… »

« Cette chance, l’anonymat. »

« Sans biographie, sans nom. Un prénom, c’est déjà toute une biographie. »

« Quand ils arrivent près d’vous et qu’ils s’assoient au sol, la façon qu’ils ont d’être ouverts à l’extérieur et ouverts à eux. On sait même pas s’ils s’connaissent, s’ils s’connaissent pas. Peut-être qu’ils s’connaissent depuis quarante ans ou ils s’connaissent pas du tout. Ça fait plus d’différence. »

« Quand j’vais au théâtre et que je n’sais pas, la pièce s’appelle Antigone, j’vois l’actrice arriver sur scène, de suite, j’suis Antigone. En tant qu’spectateur, j’ai une quantité inouïe d’associations qui déjà apparaît. Même mon frère qui va jamais au théâtre, qui supporte pas ça, Antigone, il sait en gros, il va dire, c’est celle qu’a fait des conneries, là, chais pas quoi, avec l’oncle, il va savoir ça ou il va en avoir entendu parler. Déjà : projection. Et ce rêve que les projections ne puissent plus coller. Les projections du regard du spectateur d’un coup ne puissent plus accrocher au corps de l’acteur. Et c’est dû au fait que, quand l’actrice arrive sur scène qui joue Antigone et comme elle regarde le spectateur aussi avec son corps. Tout d’un coup, y a une espèce de blocage de l’identification habituelle. Donc y une espèce de page blanche. »

« Quand l’acteur parle le texte et c’est le texte, d’un coup, qui va ouvrir en lui les émotions. C’est pas l’acteur qui pompe les émotions pour parler l’texte. Qui dit : Ok, là, le personnage est triste, j’arrive sur scène, j’suis d’jà la gueule jusqu’en bas et j’commence à parler mon texte. Non. Tu vas parler l’texte d’une certaine façon et ça t’ouvre en toi les espaces émotionnels nécessaires pour ce texte. »

« Et puis les mots, ça a une résonance. Le mot « père » chez toi, il va évidemment résonner d’façon différente que chez toi. »

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Il fait si chaud, si froid, si de toutes les couleurs. La caravane plongée dans l’étain. Le sexe dressé, mal dressé, bien dressé. Chercher à éviter les emmerdes. Rencontrer les bons soigneurs. Mais quelle heure est-il ? Le mot « cil ». Il est plus tôt qu’hier. Tout est joué. Encore rien. Je suis Noël. Je vais vous dire. Je suis Noël. Je suis porté. Je suis né.

De la lumière passe par tous les trous. Les stores, les badigeons, les bâtiments. Il écrit quoi ? Des listes. Des listes, c’est pas facile. A jouer.

De la lumière morte, légère, pourpre… Elle s’efface. Même la lumière morte, légère, pourpre s’efface…

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L'Ance


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Les Spectateurs doivent s'avancer sur la pointe des pieds


Photo François Stemmer.

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