Sunday, September 01, 2024

T homas demeura à lire dans sa chambre


« Thomas demeura à lire dans sa chambre. Il était assis, les mains jointes au-dessus de son front, les pouces appuyés contre la racine de ses cheveux, si absorbé qu'il ne faisait pas un mouvement lorsqu'on ouvrait la porte. Ceux qui entraient, voyant son livre toujours ouvert aux mêmes pages, pensaient qu'il feignait de lire. Il lisait. Il lisait avec une attention et une minutie insurpassables. Il était, auprès de chaque signe, dans la situation où se trouve le mâle quand la mante religieuse va le dévorer. L'un et l'autre se regardaient. Les mots, issus d'un livre qui prenait une puissance mortelle, exerçaient sur le regard qui les touchait un attrait doux et paisible. Chacun d'eux, comme un œil à demi fermé, laissait entrer le regard trop vif qu'en d'autres circonstances il n'eût pas souffert [...] Il se voyait avec plaisir dans cet œil qui le voyait. Son plaisir même devint très grand. Il devint si grand, si impitoyable qu'il le subit avec une sorte d'effroi et que, s'étant dressé, moment insupportable, sans recevoir de son interlocuteur un signe complice, il aperçut toute l'étrangeté qu'il y avait à être observé par un mot comme par un être vivant, et non seulement un mot, mais tous les mots qui se trouvaient dans ce mot, par tous ceux qui l'accompagnaient et qui à leur tour contenaient eux-mêmes d'autres mots, comme une suite d'anges s'ouvrant à l'infini jusqu'à l'œil absolu. D'un texte aussi bien défendu, loin de s'écarter, il mit toute sa force à vouloir se saisir, refusant obstinément de retirer son regard, croyant être encore un lecteur profond, quand déjà les mots s'emparaient de lui et commençaient de le lire. »

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L es Dégats, les vieillissements de l’été dans les miroirs parisiens


Je suis rentrée hier, j’étais partie le 9 juin. La pollution à l’arrivée du double TGV rempli de vacanciers, des vrais, des gens jeunes et heureux, à tu et à toi avec la société ; la société, ils ne l’interrogent pas, ils sont heureux — et jeunes ! Je crois que je ne vais pas parvenir à respirer. Mais je sais aussi que c’est une question d’habitude, ça mettra 2, 3 jours. Je me dis que c’est la gare, que ça va aller mieux quand j’en sortirai. Et, en effet, dehors, c’est un peu mieux. Il a plu, il y a une vilaine lumière luisante, quelques figures parisiennes errantes (parmi lesquelles je m’inscris illico). Je laisse passer les bus parce qu’on m’y annonce un tarif de 5 €. C’est l’augmentation dû au JO, je n’étais pas au courant. Mais qui monte encore dans un bus à ce prix-là ? Du coup, je fini par prendre un taxi, 30 €. Oui, mais c’est un taxi. 25 € finalement ça me coûte si on enlève les 5 €. Et puis c’est un pauvre qui conduit, un émigré, j’ai l’impression de faire une bonne action. Il parle faiblement le français, cherche la grammaire, le vocabulaire, parle bas, mais il parvient, si je me penche vers lui (j’ai la fenêtre ouverte), à m’entretenir à peu près de choses dont les chauffeurs de taxis entretiennent leurs clients. En gros, les temps sont durs, les taxis ont fait moins d’argent pendant les JO que l'été 2023, etc. J’avais lu ça déjà, je ne peux qu’acquiescer, compatir… 


J’arrive dans ma double chambrette, suant, grimpant de nouveau les 6 étages, j’ouvre toutes les fenêtres très vite pour survivre à l’antimite dont j’avais gonflé l’apparte. Je trouve une boîte de sardines, un paquet de chips, ce qui me réjouit. Je retrouve surtout l’incroyable remplissage qui m’étonne. Mon sac est gros, est lourd, mais il y en a 100 fois plus chez moi. Chez moi ! Quelle impression. Toute naturelle. Je réussis à regarder un film que j’aime, un d’Audiard que je ne connaissais pas avec Annie Girardot sublime : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! J’adore. Je me demande pourquoi je n’aime que les acteurs anciens ; je ne connais pas les nouveaux, en fait. Je connais Marina Foïs, quand même. Je dors les fenêtres grandes ouvertes, c’est de nouveau l’été. Le matin, j’enlève mes boules Quiès et je dors encore. J’entends des oiseaux parmi la rumeur calme d’un dimanche à Paris : septembre, les gens heureux, relativement heureux


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