Tuesday, January 19, 2021

J e ne suis plus spectateur de rien, c’est ça être à l’intérieur, c’est ça être confiné


« Il n’y a plus de sujets dont nous sommes juste les spectateurs. Avant, être spectateur, c’était être sur une rive et voir quelque chose comme — selon la célèbre formule où même des catastrophes, en quelque sorte, auraient pu vous enchanter parce que vous les regardiez de loin. Le confinement, le vrai confinement, c’est-à-dire celui définitivement dans lequel on est *, c’est que, ça, ça a disparu. Il n’y a plus de situation où vous pouvez être spectateurs. »

*écologique

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P as pour être lu


« Il y a une phrase de Kafka qui me permet de comprendre le travail de Claude et de grands écrivains comme Duras et comme Sarraute, c’est à propos du Château, Kafka dit : « C’est un livre qui est fait pour être écrit, mais pas pour être lu » Ça veut pas dire qu’on met le spectateur de côté, ça veut simplement dire qu’on fait la chose parce qu’il faut la faire, il faut creuser dans cet endroit-là — et lorsque le spectateur accepte de venir sur ce terrain-là, alors on s’aperçoit que c’est fait pour lui, c’est vraiment fait pour lui, mais non pas écrit, monté pour lui. » 

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P as homophobe

 

tu me dis

Je t'embrasse

                               jean baptiste




Très joli !

Très pédé !

Mais ça tombe bien, on n’est pas homophobe !

Bisous, 

Yvno

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K illian témoigne de son expérience (à la demande d'une journaliste)


A l’origine, je cherchais simplement un stage lié à mes études (master 1 aux Beaux-arts de Nantes). Connaissant le travail d’Yves-Noël Genod depuis quelque années, et ayant un grand fantasme de sa personne et de son travail, il représentait une forme de star pour moi (d’ailleurs, ça n’a pas trop changé). J’ai donc hésité longuement avant de le contacter et ai fini par oser lui envoyer une demande de stage, et contre toute attente, il a répondu positivement. C’est ainsi que nous sommes entrés en contact et qu’il m’a proposé de me joindre à ce bazar magnifique.

Le premier jour, c’était déroutant de se trouver dans cette foule d’identités, pour la plupart aux looks assez exceptionnels, et de devoir lâcher sa pudeur. Danser, sans musique. Yves-Noël Genod nous a tous mis très à l’aise, il instaure un climat de confiance, de bienveillance, et permets très vite un lâcher-prise. Le plus déstabilisant, finalement, c’était la présence de Bruno Cezario. Ce danseur brésilien au corps sculpté, à l’aura très puissante. Je crois que nous sommes beaucoup à être impressionnés par sa présence, ses mouvements. J’ai eu l’occasion, pendant ces quelques journées, qu’il vienne me chercher pour faire des duos. C’est très étonnant de danser avec quelqu’un comme lui, le rapport au corps n’est vraiment pas le même pour un amateur et pour un danseur professionnel, ma pudeur en a pris un coup. J’ai été obligé, je l’ai senti, de lâcher quelque chose. C’est terrifiant, mais très plaisant. Ils sont plusieurs danseurs professionnels et leur présence vient ajouter quelque chose de très fort au spectacle, tant pour le public, que pour les autres danseurs amateurs. Ils apparaissent pour nous comme des grands Autres de la danse, inquiétants, intriguant, ceux avec qui on aimerait danser mais qu’on refuse d’approcher ou bien qu’on défie. Ce n’est pas anodin ce qui se passe pendant ces journées, j’ai l’impression que c’est une provocation, voire un invocation à nous-même. C’est dur parfois, mais c’est superbe à vivre. Ça vient nous chercher. Et le metteur en scène n’y est pas pour rien.

Yves-Noël Genod est omniprésent pendant ces heures de danse. En effet, la grande enceinte diffuse sa voix dans tout l’espace, et la plupart du temps il ne s’agit que de petits « C’est bien ! Continuez… Oui ! C’est exactement ça ! ». Ou, de temps à autres, il nous fait des propositions de déplacements, de formes… Sa voix est donc là, mais quand on le cherche on ne sait jamais où il est. Sa voix résonne de partout, et son corps est caché dans un coin, contre un mur, sur une chaise. J’ai été très surpris à chaque fois que je l’ai cherché du regard, quand on le trouve ça fait presque l’effet d’un « Ah oui, c’est vrai, il est comme ça ! ». C’est sa voix qui existe le plus dans mon esprit pendant ses journées, et au-delà de sa voix je dirais ses mots. Ses mots sont tissés, soignés, il use d’un vocabulaire précis, d’une diction particulière qui rappelle les interviews des années 60. C’est lent, posé, doux et nonchalant. En discutant avec d’autres danseurs, nous étions surpris de réaliser à quel point les histoires qu’il nous raconte pendant les pauses, toujours au micro, sont très présentes dans nos têtes quand on danse. Il évoque, ou invoque, des images. Il nous parle de troupeaux de bêtes suicidaires en Afrique, des oiseaux silencieux pendant une éclipse, il nous raconte Marguerite Duras et Marlène Dietrich, Rimbaud, Depardieu, les morts et les vivants qui se mêlent… Ce sont ses mots qui viennent guidés mes gestes par la suite, ses anecdotes influencent les images que je tente d’incarner dans l’espace. Et le soir, quand je repense à la journée, j’ai l’impression de les avoir vu, ces oiseaux silencieux, planer près de Marguerite Duras. Yves-Noël Genod répète les mêmes histoires depuis le début, les même anecdotes. Mais c’est toujours un plaisir de les écouter, elles nous bercent et nous inspirent, je crois. Le résultat est à chaque fois différent, il y a toujours des nouveaux venus, des dizaines de nouveaux venus. Et je crois qu’on est soi-même jamais exactement pareil d’une semaine à l’autre. Il ne s’agit vraiment pas de répétitions, mais de spectacles, chaque fois proches et lointains les uns des autres. Les mêmes visages, les mêmes gestes parfois, mais quelque chose de différent toujours. C’est ça qu’il cherche, et qu’on se met à chercher nous même. Et en ce moment c’est ce dont on a besoin. La vie, la respiration, de l’espace, des autres par dizaines, et, surtout, l’impression de faire quelque chose qui compte vraiment.

Yves-Noël Genod a reconvoqué le hasard, alors qu’il n’existe presque plus ces derniers temps.

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