Sunday, May 28, 2017

P aris, après Alien



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A l'instant


Il y a tout à Paris et ce tout est multiple. Ainsi, comme Nicht Schlafen était à 18h, je pris rendez-vous pour Alien à 21h30 — parce que Graig Green en avait fait les costumes. Costumes que j’avais du mal à observer tellement vite je fus pris dans le tourbillon oculaire (heureusement Matthieu n’en perdait pas une miette — ni de l’histoire d’ailleurs dans laquelle il me repêcha, noyé, plusieurs fois). En sortant — et depuis lors — j’étais fâché par la bêtise des characters (sauf l’androïde) censés être des hommes du futur, et qui plus est de grands scientifiques, de grands guerriers, l’élite de l’élite et qui ont un âge mental d’enfant de quatre ans, l’âge mental de Trump, en fin de compte (ce n’est donc pas étonnant qu’il soit arrivé au pouvoir), un âge mental sur lequel repose toute l’intrigue parce qu’il permet aux personnages de faire toutes les bêtises imaginables nécessaires aux emmerdes nécessaires aux rebondissements nécessaires de l’intrigue. Bref, j’étais un peu pollué, quand même (et puisque je l’écris). (D’ailleurs, un titre pour le livre de poèmes : L’Eau polluée.) Mais à l’instant j’ai relu le poème de Yves Bonnefoy que Jean-Paul Avice avait récité (si bien récité) à Ouessant, ce qui faisait que Yves Bonnefoy qui jusque là m’était passé à côté (je ne connais que ces textes critiques sur Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé…) commençait maintenant à agir en moi, mais sans que je sache encore si cela venait de la très belle manière de Jean-Paul Avice (et de ce cadre : l’île) ou si l’amour naissant allait se consolider et se développer. En fait, si. Et je le sais parce qu’après Alien, j’ai relu cet Hopkins Forest et qu’il m’a donné tout ce dont Alien m’avait frustré, tout en me présentant l'imagination de l’espace, matière commune. Ça y est, je comprends l’extrême beauté de cette poésie...



« HOPKINS FOREST

J’étais sorti
Prendre de l’eau au puits, auprès des arbres,
Et je fus en présence d’un autre ciel.
Disparues les constellations d’il y a un instant encore,
Les trois quarts du firmament étaient vides,
Le noir le plus intense y régnait seul,
Mais à gauche, au-dessus de l’horizon,
Mêlé à la cime des chênes,
Il y avait un amas d’étoiles rougeoyantes
Comme un brasier, d’où montait même une fumée.

Je rentrai
Et je rouvris le livre sur la table.
Page après page,
Ce n’étaient que des signes indéchiffrables,
Des agrégats de formes d’aucun sens
Bien que vaguement récurrentes,
Et par-dessous une blancheur d’abîme
Comme si ce qu’on nomme l’esprit tombait là, sans bruit,
Comme une neige.
Je tournai cependant les pages.

Bien des années plus tôt,
Dans un train au moment où le jour se lève
Entre Princeton Junction et Newark,
C’est-à-dire deux lieux de hasard pour moi,
Deux retombées des flèches de nulle part,
Les voyageurs lisaient, silencieux
Dans la neige qui balayait les vitres grises,
Et soudain,
Dans un journal ouvert à deux pas de moi,
Une grande photographie de Baudelaire,
Toute une page
Comme le ciel se vide à la fin du monde
Pour consentir au désordre des mots.

J’ai rapproché ce rêve et ce souvenir
Quand j’ai marché, d’abord tout un automne
Dans des bois où bientôt ce fut la neige
Qui triompha, dans beaucoup de ces signes
Que l’on reçoit, contradictoirement,
Du monde dévasté par le langage.
Prenait fin le conflit de deux principes,
Me semblait-il, se mêlaient deux lumières,
Se refermaient les lèvres de la plaie.
La masse blanche du froid tombait par rafales
Sur la couleur, mais un toit au loin, une planche

Peinte, restée debout contre une grille,
C’était encore la couleur, et mystérieuse
Comme un qui sortirait du sépulcre et, riant:
‘Non, ne me touche pas’, dirait-il au monde.

Je dois vraiment beaucoup à Hopkins Forest,
Je la garde à mon horizon, dans sa partie
Qui quitte le visible pour l’invisible
Par le tressaillement du bleu des lointains.
Je l’écoute, à travers les bruits, et parfois même,
L’été, poussant du pied les feuilles mortes
D’autres années, claires dans la pénombre
Des chênes trop serrés parmi les pierres,
Je m’arrête, je crois que ce sol s’ouvre
A l’infini, que ces feuilles y tombent
Sans hâte, ou bien remontent, le haut, le bas
N’étant plus, ni le bruit, sauf le léger
Chuchotement des flocons qui bientôt
Se multiplient, se rapprochent, se nouent
– Et je revois alors tout l’autre ciel,
J’entre pour un instant dans la grande neige. »

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M aison


« La Nature est une Maison Hantée — mais l’Art — une Maison qui tente de l’être. »

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O n va voir Alien ?


Je vois. Moi aussi. Mon chaton, j'ai brillé hier soir au cours d'un diner en ville dans le milieu de la mode en citant tes deux découvertes — dont je réécris ici les noms pour essayer de me les mettre dans la tête : Graig Green et JW Anderson. Tout le monde était fier pour moi que je sois si au courant. En plein dans le mille. Sinon j'ai essayé de te vendre parce que l'une disait à l'autre qui lui demandait comment elle faisait pour repérer si bien ce qui sortait du lot : « Il faut que tu aies une assistante qui soit une fashion victime, même pas très efficace, mais qui te rapporte tout ce qu'il y a de nouveau — et une deuxième assistante qui, elle, soit efficace, tu vois ? » (Je t'ai vendu pour la première.) On va voir Alien ?

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