Sieste. Audrey m’appelle au
moment où je commencais à me toucher en pensant à Bébé. « Je ne te dérange
pas ? » Je lui promets qu’on ira voir ensemble la pièce de Claude
Régy – mais, alors, ça me volerait une soirée avec Bébé – et si nous faisions
cela à trois ? Audrey et Bébé, je serais bien entouré. Une nuée. Mais
Claude Régy ne m’a pas envoyé d’invitation, cette fois-ci. J’imagine que si je
l’appelle… Je lis Sagan, les entretiens sont extraordinaires. C’est étrange de
lire Françoise Sagan après m’être occupé d’Hélène Bessette. D’un côté l’échec,
de l’autre le succès, phénoménal dans les deux cas. J’y pense soudain parce
qu’à une question, « Qu’est-ce qui se seraient passé si vos livres
n’avaient pas marché ? », Sagan répond : « J’aurais continué. » Voilà un point commun, Bessette,
Sagan, deux écrivains, quoi qu’il se passe, écrire – jusqu’au bout. Bessette n’a
pas cessé d’écrire, même après que Gallimard l’ait jetée, après la mort de
Raymond Queneau qui la soutenait.
Wayne Byars interrompt son
cours et se précipite sur moi : « J’ai pensé à toi, l’autre jour,
parce que j’étais à un dîner et il y avait un type proprement
insupportable… (J’attends la suite.) très religieux – et il a dit :
« J’avais une amie, une très grande amie, une très, très grande amie qui
était athée, on s’aimait beaucoup, mais je n’ai pas compris, à sa mort, qu’on
lui ait donné une cérémonie religieuse (puisqu'elle était athée). C’était une
très grande amie à moi, peut-être en avez-vous entendu parler... Marguerite
Duras... » – Un snob. – Oh, mais alors, une ca-ri-ca-ture ! » Modèle à l’infini, à Wayne Byars, à moi et Jérôme Bel... (Qu’y puis-je, si ce thème me poursuit ?)
Tout d’un coup, je me
demande si Wayne Byars ne me parle pas de Michael Lonsdale, ce serait bien
son genre… Dans ce cas, ce ne serait pas un snob. Michael Lonsdale est très
religieux et Marguerite Duras était réellement sa très grande amie. Peut-être
que son humilité religieuse le poussait à penser que les autres ne la
connaissaient peut-être pas – en tout cas pas aussi bien que lui.
Je m’endormais pour la
sieste les yeux ouverts et le soleil brûlant ; je me réveillai : le soleil
avait passé et de bons gros nuages définissaient un gris d’été.
La faiblesse de
Sagan : la drogue. Sartre ou elle ne concevaient pas d’écrire sans se
droguer. Joris Lacoste. On le sent quand elle parle du plaisir d’écrire. C’est
très intéressant. Mais elle en parle exactement comme d’une drogue. Vitesse, mécanique « bien huilée (...) l’esprit qui
fonctionne presque en dehors de soi-même (...) C'est comme marcher
dans un pays inconnu et ravissant. »
Dire quels livres on
aimerait écrire suffirait à « faire un livre ». (Toujours cette rêverie.) « J’aimerais écrire des romans dans lesquels il y aurait de
moins en moins de circonstances dramatiques, de plus en plus de vie
quotidienne, de petits accrochages de chaque jour. C’est la seule direction, si
je peux dire, que je voudrais suivre toujours. Parce que le drame est là. Les
événements extérieurs sont toujours des accidents. Le drame, c’est de se lever,
de se coucher, de s’agiter entre-temps et de se laisser glisser. Le drame,
c’est la vie quotidienne… De temps en temps on en prend conscience, mais
rarement... »
Bébé me dit que Rousseau
lui fait penser à moi. Les Confessions. Je connais mal. Je lui dis que Duras aimait beaucoup Les
Confessions.
Les femmes, cette
disparition en creux du monde des femmes. Pourquoi ne pas sortir du thème –
puisque Sagan l’a si bien traité – de la solitude ?
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