Clarice Plasteig dit Cassou
Bonjour Yves-Noël,
Comme j'y pense encore, je
vais te raconter tes deux prochains spectacles avant qu'ils ne retournent
s'évanouir dans les limbes de mon inconscient.
Le premier, très court. Une
image. La façade d'un immeuble de bureaux fin 70 (de ceux qu'on préfère ne pas
remarquer aux abords de la ville) et qui aurait pu abriter une entreprise
d’électronique dans les années 80. La modernité du ficus en plastique. Pas très
haut, l'immeuble, assez long, gris-bleu sur fond ciel identique. Les fenêtres sont
carrées, on peut voir les stores intérieurs. Au haut des fenêtres sont
attachées des sortes de bâches ou tissus en plastique aux couleurs unies très
vives. Des rouges, des verts, des jaunes... très puissants et profonds. Le
spectacle consiste à balancer du vent très fort en direction des bâches qui
pendent dans le vide et donc à faire bouger toutes ces couleurs. En mouvement,
les bâches deviennent légères et c'est très beau et frais. Pas d'acteurs, pas de
spectateurs, pas de plateau.
Le second dans une salle au
plafond bas assez chaude. 2 rangées de gradins de 4 ou 5 rangs se font face. Des
gradins en bancs pas en chaises. Ces deux rangées sont très longues, un peu
comme pour un défilé. Dans le public, on se connaît ou se reconnaît comme
souvent quand on va voir tes spectacles. On parle d'une rangée à l'autre. Entre
les deux rangées, une allée large de 3m max, juste suffisante pour laisser
passer cette espèce de char plateforme, lieu de l'action. Le char s'avance petit
à petit, plus long que large, il est recouvert d'un tissu blanc. Il est bas,
doit arriver à hauteur d'épaules du premier rang, s'avance délicatement et tu le suis.
Sur le char-plateforme, des
objets de toute sorte, tous en terre cuite. Des pots, des télés, d'autres dont
je ne me souviens plus. Il y a une sorte de cruche antique très arrondie, très
brute, avec juste un petit orifice. Elle va avec une baguette chinoise qu'il
faut utiliser pour en faire sortir du son. Tu nous nous montres tous ces objets
et nous expliques leur rapport au son. C'est ça, le spectacle : comment faire
sonner ces objets, quel est leur son ? Et puis 3 moulages de ton corps exposés
sur la plateforme aussi. En terre cuite aussi. Je ne me souviens que d'un posé à l'avant du char — ou peut-être que c'est le seul que je peux
voir de là où je suis : tu es allongé sur le flanc droit. Le bras gauche, dans
l'allongement du corps, passe au-dessus de la tête et s'étire au maximum. Le
visage aussi tend vers cet axe, vers là où je suis, un peu en hauteur, je
vois la main en gros plan et le corps derrière. Corps en tension. Voilà. Tu es
présent, tu marches d'abord derrière le char-plateforme, d'abord tu nous
expliques ces objets, leurs sons, leurs résonances, puis tu en fais essayer, on
les touche, on touche la terre et on la fait résonner.
On pourrait croire qu'il ne
se passe pas grand-chose dans tes deux prochains spectacles, mais je me suis
rarement réveillée en ayant un souvenir sensoriel aussi intense. Le vent, la
vue, le toucher de l'air pour le premier. La terre, le toucher, l'ouïe pour le
second. J'attends la suite.
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