Voici comment il faut écrire
(Belle de nuit) (précédée d'une note)
Voici comment il faut écrire. Ici, quelque chose est dit d'essentiel et que la censure - d'extrême-droite - telle une truie mécanique, robot malade, aimanté par le mal, l'obésité - ne peut pas comprendre, ne peut pas saisir. La subtilité passe au travers du tamis. C'est ainsi qu'il faut tendre avec l'écriture (c'est très difficile avec les mots utilisés par tous) : vers l'incompréhension de l'extrême-droite (à qui le législateur donne sans fin des armes pour s'exprimer). Faire un pas (un bond) hors du rang des assassins, disait Kafka. Par exemple aussi dans le vers de George Byron (dont parle Jorge Luis Borges) : ce qui est dit en secret est irrepérable (Borges se demande même si Byron lui-même en a eu conscience - peut-être à la fin de sa vie, se dit-il, sans doute pas en l'écrivant). Ce vers dit simplement ce qui n'est que ça :
She walks in beauty, like the night.
(Bien sûr une femme est comparée à la nuit, mais pour que le vers ait un sens, il faut aussi que la nuit soit comparée à une femme. Deux métaphores. Ce qui fait la beauté inouïe du vers, ce va-et-vient en miroir.)
"Les marchands de roses tendent leurs mains muettes après avoir trempé les bouquets rouge et blanc dans l'eau de la fontaine: c'est la coutume locale — ici l'on parle toutes les langues sans pudeur, les terrasses des cafés sont toujours les mêmes et toujours différentes comme le vent rapide effiloche les nuages, des êtres oisifs vous parlent de poésie dès que l'alcool a coulé dans leurs veines, des hommes regardent des hommes et passent leur chemin, des barbares chantent des hymnes inouïs, la rue en devenir, l'égarement et les sourires, et tout porte vers le centre commun, la brûlure originelle, l'inconscience fabuleuse."
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