P ont 9
Pas la raison, mais la résonance
Adam et Eve, formes primitives
Adam et Eve sont des détails perdus dans le monde
Imagine-les tout seuls, ces amoureux
Ils n’ont pas de vêtements. Personne n’a de vêtements
Encore une belle phrase : « Le rôle de la lumière véritable créatrice des corps »
Caravage, « ce roman noir que fut sa vie »
Legrand m’avait fait faire une carte pour la BNF où il est tout le temps fourré. « C’est le paradis ici », me disait-il à voix presque inaudible (mon oreille contre sa bouche) en me faisant visiter les sublimes rayonnages métalliques. Le silence était beaucoup plus profond qu’à la BPI qui ressemblait à un centre commercial par comparaison. Ici, c’était happy few. « C’est le paradis ici » fait référence à la fois à l’infini de l’étude et à la beauté des filles, 2 choses assez concomitantes et simultanées chez lui, 2 faces de la même médaille. Disons, « C’est le paradis ici » fait allusion à la beauté des filles et à l’épanouissement vertigineux de la vie au milieu des livres (d’art)
Des livres où l’on peut lire des phrases comme (puisque je l’ai sous les yeux) : « Titien se livre au bonheur d’animer de joie et de lumière les corps et les arbres. »
La vie est comme une croisière — pardonnez-moi cette comparaison bateau — et elle ne dure pas. L’été, fragile, s’arrête au bout d’un moment.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Dans l’absence de livres, il y aura encore des livres
Legrand, voulez-vous que je vous parle de Legrand ? J’ai déjà tout dit, mais, hier, nous étions au ciné et Legrand avait posé sa tête sur mon épaule. Soudain, sans bruit, c’est lui qui demandait mon support. J’avais retenu ma respiration. Profiter du mouvement, ne pas extrapoler (laisser le film vivre sa vie)
France est jalouse de ce que j’écris sur Legrand, je sais aussi qu’elle essaye de s’en défendre, mais, si j’écris que Legrand a passé la matinée avec une blonde, l'après-midi avec une rousse et le soir avec une brune et qu’en plus, à la BNF, il a bandé dans l’intervalle, comme ça, me disait-il, sans raison, l’air tiède, le goût du monde... ce qui l’avait coincé à sa table pendant un bon moment et l’avait retenu à se concentrer sur ses copies, lui faisant aussi louper un r-v, mais il ne pouvait décemment pas se dégager dans cet état — de même que Rocco Sifredi, ado, raconte qu'il ne pouvait pas sortir de l’eau jusqu'à la taille de toute la journée quand il allait à la plage…
Je ne veux pas mimer que j’ai du travail, que je suis pressée, qu’il ne faut pas que je tarde… alors je traîne au resto frais et vide d’après déjeuner, je suis si heureuse. Tout ce silence entre moi et ces serveuses, ces garçons de cuisine, et avec le chef si beau et taciturne qu’il ne croise jamais mon regard ni sans doute le regard de personne de sa clientèle alors que sa cuisine est pourtant à découvert, exposée sans même une vitre... J’admire maintenant la serveuse nettoyer la machine à café qui m’a donné un si bon ristretto (car tous les restos sont italiens depuis que je suis allée à Naples) (car j’ai vécu plusieurs vies à Naples, car j’ai été heureuse à Naples) (Néapollis) (ville nouvelle, vie nouvelle)