Monday, June 23, 2025

P ont 9

 
J’ai vu des choses si belles aujourd’hui. J’étais au bord de l’obélisque. L'obélisque de Louxor. J’ai dû prendre une photo, je ne sais pas ce qu’elle vaut

Pas la raison, mais la résonance



Adam et Eve, formes primitives
Adam et Eve sont des détails perdus dans le monde
Imagine-les tout seuls, ces amoureux
Ils n’ont pas de vêtements. Personne n’a de vêtements
Encore une belle phrase : « Le rôle de la lumière véritable créatrice des corps »
Caravage, « ce roman noir que fut sa vie »

Legrand m’avait fait faire une carte pour la BNF où il est tout le temps fourré. « C’est le paradis ici », me disait-il à voix presque inaudible (mon oreille contre sa bouche) en me faisant visiter les sublimes rayonnages métalliques. Le silence était beaucoup plus profond qu’à la BPI qui ressemblait à un centre commercial par comparaison. Ici, c’était happy few. « C’est le paradis ici » fait référence à la fois à l’infini de l’étude et à la beauté des filles, 2 choses assez concomitantes et simultanées chez lui, 2 faces de la même médaille. Disons, « C’est le paradis ici » fait allusion à la beauté des filles et à l’épanouissement vertigineux de la vie au milieu des livres (d’art)
Des livres où l’on peut lire des phrases comme (puisque je l’ai sous les yeux) : « Titien se livre au bonheur d’animer de joie et de lumière les corps et les arbres. »
La vie est comme une croisière — pardonnez-moi cette comparaison bateau — et elle ne dure pas. L’été, fragile, s’arrête au bout d’un moment.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Dans l’absence de livres, il y aura encore des livres
 
 
 
Et tous ces carnets où j’ai écrit ma vie ?… J’aime rester quand le resto est vide, à 14h, voir les employés travailler. Je suis extrêmement émue de voir les gens travailler, les gens qui me servent, dans les restos, les avions, les ouvriers, les vendeurs, les éboueurs, je voudrais les embrasser. Depuis que je suis rentier, je regarde le monde du travail comme une contrée douloureuse, bienheureuse, une mort désirable, une métamorphose désirable ; je croirais comprendre le monde avec mes faibles moyens. Il y a. Les ventilateurs qui tournent, tournent l’air de la chaleur du présent. J’aime mes amis, surtout ceux que je ne vois pas souvent. Je m’exerce à penser à eux.
Legrand, voulez-vous que je vous parle de Legrand ? J’ai déjà tout dit, mais, hier, nous étions au ciné et Legrand avait posé sa tête sur mon épaule. Soudain, sans bruit, c’est lui qui demandait mon support. J’avais retenu ma respiration. Profiter du mouvement, ne pas extrapoler (laisser le film vivre sa vie)
France est jalouse de ce que j’écris sur Legrand, je sais aussi qu’elle essaye de s’en défendre, mais, si j’écris que Legrand a passé la matinée avec une blonde, l'après-midi avec une rousse et le soir avec une brune et qu’en plus, à la BNF, il a bandé dans l’intervalle, comme ça, me disait-il, sans raison, l’air tiède, le goût du monde... ce qui l’avait coincé à sa table pendant un bon moment et l’avait retenu à se concentrer sur ses copies, lui faisant aussi louper un r-v, mais il ne pouvait décemment pas se dégager dans cet état — de même que Rocco Sifredi, ado, raconte qu'il ne pouvait pas sortir de l’eau jusqu'à la taille de toute la journée quand il allait à la plage…
Je ne veux pas mimer que j’ai du travail, que je suis pressée, qu’il ne faut pas que je tarde… alors je traîne au resto frais et vide d’après déjeuner, je suis si heureuse. Tout ce silence entre moi et ces serveuses, ces garçons de cuisine, et avec le chef si beau et taciturne qu’il ne croise jamais mon regard ni sans doute le regard de personne de sa clientèle alors que sa cuisine est pourtant à découvert, exposée sans même une vitre... J’admire maintenant la serveuse nettoyer la machine à café qui m’a donné un si bon ristretto (car tous les restos sont italiens depuis que je suis allée à Naples) (car j’ai vécu plusieurs vies à Naples, car j’ai été heureuse à Naples) (Néapollis) (ville nouvelle, vie nouvelle)
 


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Sunday, June 22, 2025

Le lendemain du solstice, j’avais revu Nicolas Moulin. Il y avait des années (il était venus à mon spectacle d'Adieu à la Seine sur la péniche Pop et m'avait rappelé qu'on s'était vus aussi chez Marian Goodman lors de la sortie du livre de François Jonquet). Ils avaient quitté Berlin il y avait 6 ans, les loyers avaient doublés, mais au lieu, comme beaucoup d’autres de rejoindre Athènes, ils étaient, Marie et lui et leur gosse, Malik, maintenant 11 ans, silhouette identique à celle de son père, longiligne, cheveux longs sous casquette, dégingandée, sans qu’on comprenne si c’était l’enfant qui mimait le père ou le père l’enfant (un arrangement, un peu des 2 sans doute), eh bien, ils étaient venus s’installer dans le village d’enfance (de Nicolas), à Valmondois, dans le Val-d’Oise, à qqs kms d’Auvers-sur-Oise où Vincent Van Gogh avait fourni les 2 plus belles années de sa vie avant d’y mourir et dont on reconnaissait le regard, la présence, même dans les champs maintenant infestés de pesticides, d’engrais et de la destruction violente de l’agro-alimentaire (parler d’agriculture paraît trop beau)
 
Une des magies de Paris (qui en regorge), c’était aussi de pouvoir monter dans un RER, à la Gare du Nord (c’est-à-dire chez moi) et, comme un voyage dans le temps, de se retrouver, après 3 1/4 d’h, dans un village nervalien. Gérard de Nerval pour qui c’était déjà un voyage dans le temps que de revenir dans le Valois (un peu plus loin, en fait), en fiacre, après une représentation théâtrale dans laquelle il admirait une actrice, comme il en est fait le récit dans SYLVIE, l’une de ses meilleures nouvelles, écrite à la fin de sa vie (tirée de l’ensemble LES FILLES DU FEU). « Le narrateur est un jeune homme originaire du Valois monté vivre à Paris. Il y vit un amour chimérique pour une actrice de théâtre, Aurélie. Un soir, il décide de retourner sur les terres de son enfance. En chemin, il se remémore certains souvenirs de son passé : les femmes qu'il a côtoyées, le bonheur qu'il aurait pu saisir mais qu'il a laissé filer. En quelques heures, il revivra des scènes semblables à celles de sa jeunesse. Au cours du récit, les frontières entre le monde réel et un monde fantasmatique seront brouillées. »

Ça m’avait ému de voir le corps de Nicolas (que j’avais très bien connu) couvert des dessins de son enfant. Lui qui n’en voulait pas, d’enfant (ça lui avait été imposé par Marie), il en était immédiatement tombé amoureux. Il avait demandé à son fils de dessiner au feutre directement sur son corps et la taoueuse, ensuite, n’avait eu qu’à fixer les dessins ; l’enfant avait 4 ans quand il avait dessiné pour la première fois, il avait maintenant 11 ans. Nicolas aurait bien continué — il voulait un côté plein de tatouages et l’autre vide, mais la tatoueuse de toute confiance (une amie) avait bel et bien disparue

Nicolas Moulin avait répondu au sujet du bac philo dont Legrand corrigeait les copies : « Notre avenir dépend-il de la technologie ? » en disant : « Toute nouvelle technologie qu’on invente est forcément néfaste parce qu’elle nous dépasse. » C’était une très belle phrase, je l’avais notée. Il parlait d’un probable « plafond de verre », d’une régression énorme philosophiquement, de destruction, il disait : « On n’est pas mûrs pour les outils qu’on invente. »
Comme je lui demandais s’il était anar, il répondait : « Je ne crois pas assez au genre humain pour me définir comme anar. » « Je suis un peu anar, mais sans plus. » Il me parlait des peintres qu’il aimait, Félix Vallotton, le Suisse normand, et Walter Leistikow qui peignait des espèces de « coucher de soleil sur un lac », entre le sublime et le morbide

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« You have a lot more to say than Instagram »

C’était la plus chaude journée, la plus chaude nuit. C’était la Fête de la musique à laquelle, malgré mon grand âge, je n’avais jamais participé. On avait toujours dit, dans mon entourage, la « Fête du bruit ». Claude Régy fuyait Paris. Mais un repas avait été improvisé rue du Caire pour fêter l’admission de Cléo à Normale Sup — et j’avais été obligée pour rejoindre le centre et en repartir dans la nuit, de traverser la foule, de la voir, la foule. Je n’avais jamais vu ça. Il n’y avait plus de vélib’, j’allais à pied. Je n’avais jamais vu ces gens, cette jeunesse, c’est vrai, cette « diversité ». C’était vrai, j’étais « bobo », je vivais Paris comme un village de luxe, c’était fluide, la plupart du temps, les expos, les cours de danse, les restos, les bibliothèques, les promenades, mais, eux, je ne les avais jamais vus. Ils venaient de la banlieue, j’avais été obligée de me dire. Ç’avait été une expérience aussi forte que Naples. Le réel. Le réel qui me prenait à la gorge, à la vue. Paris était comme une immense boîte de nuit en plein air, c’était ça. La fête. Une jeunesse, une telle jeunesse d’une telle beauté — il fallait voir les looks ! que de la mode, que du casting sauvage, que de la vie, que des enfants, une masse immense de la jeunesse comme au Caire, infinie, comme s’il y avait la mort et la jeunesse, deux seuls états (même pas l’enfance), la jeunesse en génération spontanée. Ils dansaient et hurlaient sur des chansons que je n’avais jamais entendues. Ils remplissaient les Arena, les Stade de France, mais, là, c’était encore d’autres qui n’étaient pas à Beyoncé. Beyoncé, ça me parvenait, quand même. Non, là, c’était d’autres, beaucoup plus étranges, beaucoup plus baroques, un enchevêtrement des corps…

« Queen B voit les choses en grand. Elle monte sur un fer à cheval et traverse le stade dans les airs. »

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Tuesday, June 10, 2025

Votre livre est sublime, magnifique. Il me met en contact avec ma jeunesse. Cette jeunesse de mon essence, immémoriale, ce temps devant

Peut-être que vous écriviez dans cette jeunesse et que je lisais dans le même émerveillement  

Plaisir d’avoir déjà lu quelques textes car le plaisir de les relire. Pour moi, le plaisir est toujours relire, mais bien sûr pour relire il faut avoir lu. Les grandes vacances que je m’octroie parfois (pas assez souvent)

Vous êtes comme une langue classique pour moi. Un XVIIIème, par ex. Un XVIIIème maniable

Le futur antérieur, dites-vous

Portez-vous bien dans la cité et dans le vide

Marie-Noëlle

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L 'Intermittence

 

Il ne tenait qu’à moi et en lisant Dominique Fourcade, son dernier livre, Voilà c’est tout, je retrouvais cette jeunesse. Cette jeunesse de mon essence, immémoriale, ce temps devant

A Legrand, je n’ose pas lui dire la seule chose finalement que je n’ose pas : « Je t’aime », alors je le lui dis par mille manières, d’en faire un personnage, une ironie, je tourne autour, je l’entourloupe

Je l’astuce. Ça semble un jeu. Ça l’est. Mais le jeu profond du jeu, c’est « Je t’aime ». Et, là, on ne peut rien
On ne peut rien, je ne sais pas, mais on ne peut rien dire, oui, je sais

Legrand est la partie sociable de moi-même, la partie non-maudite. Nicolas Moulin, à son époque
(maintenant il semblerait plus sauvage)

« et moi, qui suis là mais suis-je là, je n’ai pas progressé, je continue de demander à la vie un cheek to cheek qui est indépendant du malheur, du bonheur, et se trouve être le grand intermittent du spectacle »

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Monday, June 09, 2025

F outu pour les autres

 

Il y a quand même une chose inexplicable dans le théâtre. Parfois, souvent. Par ex, cette actrice, Suzanne de Baecque, bon, elle m’invite la voir dans La seconde surprise de l’amour, une belle pièce très bien montée par Alain Françon, toute la distribution est parfaite, c’est magnifique, il y a aussi Pierre-François Garel que je connais un peu et que j'admire beaucoup. Tout le monde est merveilleux, exact. Mais Suzanne joue Lisette, la domestique. C’est extraordinaire, ces rôles de valets chez Molière, chez Marivaux, leur franc-parler, je ne sais pas, je n’ai pas étudié la question, c’est ceux qui emportent le morceau, non ? Mais il faut l’accepter. Il faut accepter de jouer « l’emploi ». Dominique Valladié, par ex, était partie de la Comédie française en leur disant : « J’en ai marre de jouer vos bonniches » (il me semble encore l’entendre raconter). Suzanne, elle, accepte à 100 % de jouer la bonniche. Je lui ai dit : « On dirait que tu inventes le rôle. » C’est vrai, on dirait ça. Elle s’est taillée le rôle sur mesure comme une robe et elle se l’est enfilé nue dedans. Intelligence précise et facilité d’apparence. Je regarde le texte de la pièce sur le Net, je m’aperçois de la difficulté de ce qui semblait l’aisance-même, l'audible-même durant la représentation. Ne serait-ce que le maniement limpide de l’imparfait du subjonctif : « En vérité, Chevalier, je souhaiterais que vous restassiez »,  « Je ne savais pas que mes beaux yeux enseignassent la rhétorique » (Je ne sais même pas comment on dirait en français moderne.) Et je m’aperçois que Lisette, pour moi, c’est maintenant Suzanne de Baecque, comme Madeleine Renaud, c’est Oh les beaux jours. C’est foutu pour les autres

 

« le public croit toujours qu'un artiste travaille dans l'aisance, dans la facilité et dans le luxe »


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Sunday, June 08, 2025

A la frontière de l'Italie, tu regardes Paris en photo

 
Voilà, encore écrire sur Legrand, pour rien, sans décider, sans idée. Je viens de le quitter. Il allait rejoindre un garçon, il en a vu un autre la nuit dernière. Je ne donne pas les noms. Je les connais, mais je ne donne pas les noms. Il me dit pour s’excuser de passer d’un lit à un autre : « Plus on baise, plus on a envie de baiser ». Je lui réponds que ça doit être vrai parce que, dans l’autre sens (le mien), ça marche aussi : moins on baise, moins on en a envie. Heureusement. C’est vrai, c’est drôle, la vie, parfois il y a l’amour — et puis — non. Les chansons nous le rappelle. Comme celle que je reçois à présent : « On va s’aimer sur une étoile ou sur un oreiller, au fond d’un train ou dans un vieux grenier… » Comme je trouve qui a créé cette chanson, Gilbert Montagné, Legrand me dit : « Tu as déjà vu sa femme ? — Non… — Lui non plus. » Écrire sur Legrand (sur ma relation à lui), c’est comme une petite caravane dans laquelle je suis bien, une tente, une prière. Aujourd’hui la lune est presque pleine, rousse, on la voit au dessus des rails de la gare de l’Est. Je suis contente, elle sera pleine à Naples. Je n’ai pas de logement la première nuit, j’arrive assez tard, je marcherai dans les rues, il y aura la pleine lune. Tu sais comment on sait quand la lune croît ou qu’elle décroît ? — Le C et le D… ah, non, mais ça ne marche pas ! — Si parce que « la lune est menteuse » (elle croît quand c’est D et décroît quand c’est C). » Je suis ravie, « la lune est menteuse », ça m’enchante. Pas vous ? J’embrasse Legrand dans le cou, un long baiser appuyé. En me détachant, je vois que les garçons du quartier n’en ont pas perdu une miette. Tant pis. Ce qui appartient à la nuit appartient à la nuit. J’aimerais inventer sur Legrand, pourtant je n’y arrive pas. Je suis au bord du temps réel, au bord de n’avoir rien à dire, au bord de sortir dans le quartier… « Je n’ai rien à demander, je n’obéis qu’à sa loi, qu’à son désir, je ferais n’importe quoi pour son plaisir, ce qui vient de lui, c’est ma vie, je ne suis que de l’amour, un instant d'éternité, il peut jouer à volonté de moi, je ne suis que de l'amour, c'est ma seule vérité, je n’ai qu’une liberté… »  Je suis telllement amoureuse de Legrand que, certaines nuits, j'écoute Nicole Croisille en boucle ! 

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Saturday, June 07, 2025

 
Hier en rentrant tard (les derniers clients) du café de la Gare, Legrand a trouvé par terre rue Pajol une chaine en or. Je la découvre aujourd’hui, à la lumière du jour. Il m’a proposé de me l’attacher. Ses mains autour de ma nuque à la fois malhabiles et habiles, cherchant, trouvant... mon amour ! En début de soirée, à la librairie Les Mots à la Bouche, j’étais allé écouter Julien Thèves qui a écrit une nouvelle érotique pour une petite collection qui s’appelle Pédale, pédale ! Il raconte une histoire réelle qui lui est arrivée, donc au passé, à l’imparfait, le désir qui perdure dans des corps qui s’usent, disait-il, et, inclut au conditionnel les fantasmes de ce qui aurait pu avoir lieu si… (si on l’avait bien voulu) (ou ce qui n’aurait jamais pu avoir lieu car ce ne sont que des fantasmes), enfin, les 2 entremêlés, le conditionnel et l’imparfait… J’aurais dû acheter le livre (4€) car c’est comme ça, me disais-je, que je pourrais écrire sur Legrand : à la fois sur ce qui est et sur ce qui pourrait être si… Ç’en était suivi un long palot sous le réverbère aux moustiques… avant qu’on se dise « à demain », après la pose du bijou… (La suite au prochain épisode.)

Mais Legrand m’a entraînée d’une chaîne dorée qu’il venait de trouver pour moi. Dans quelle catégorie l’écrire, ça, fantasme ou réalité ? Ça marche bien dans les 2 catégories…

Avant, au café de la Gare, comme j’avais sorti mon vernis à ongle, il m’avait proposé, il avait exigé, je dirais, oui, qu'il l’a exigé, de me le passer, lui. Il avait dit : « Quand j’étais gosse je peignais des maquettes… » Ça m’avait fait penser au dernier film de James Benning, Little Boy, mais je ne l’avais pas dit : il ne le connaissait pas. Les occasions de faire mon cuistre (le féminin n'existe pas) ne sont que trop nombreuses…

Lointaines cloches, à Paris, comme dans mon village
J’attends la pluie.
Elle vient.
Elle est là.
Je suis à l’abri.  
Route bleue...

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On vit dans un monde de réputations détruites

J’ai cherché un film porno. Ainsi donc, c’est vrai, tous les sites ont disparu. J’ai trouvé encore un film dans ma collection qui n’était pas tombé dans « le noir extérieur » comme il est écrit dans l’Evangile selon Matthieu. Un film sublime. Revu avec ferveur. J’ai pensé — devinez qui — à Legrand. J’ai failli lui envoyer le lien. Puis je me suis dit que c’était quand même intime de s’envoyer des liens de films porno qui nous plaisent, c’est presque comme baiser, non ?
Il y a des choses que je n’ose pas avec Legrand. Je suis pudique. Par exemple aussi, quand, à Brest, il m’avait proposé de jouer au confessionnal, lui se proposait de faire le prêtre et, moi, je devais me confier, lui raconter des salades. Je m’étais agenouillée et relevée aussitôt. Non, il y a des choses que je ne peux pas faire.
L’expression « raconter des salades », je l’ai déjà employée hier au café de la Gare (notre désormais célèbre spot) pour raconter l’histoire à Etienne. Ça m’en rappelle une autre qui a plu à Etienne, j’avais dit : « Ils sont sympa chez Apple [j’y avais passé l’après-midi], mais ils nous tondent ! » Ça lui a plu. Je lui ai dit qu’elle n’était pas de moi, que c’était un client comme moi chez Apple et que je l'avais notée, on avait échangé quelques phrases…  
Le café de la Gare, on y va pour revoir apparaître Chloé. Ce café au bord de la ville, au bord de la jupe de la ville, the outskirts of the city, those border places... avec Chloé qui justement était sans jupe. La jupe arrachée, les bas filés et elle pleurait, des fleurs devant elle et le rimmel fatigué… Chloé… On en sait un peu plus maintenant sur Chloé ; Legrand, avec les quelques indications qu’on avait, l’a retrouvée sur Wikipédia. Elle chante ce soir au Truc (près du Père-Lachaise), une sorte de cabaret « féministe ensauvagé » où son groupe, je mélange un peu, s’appelle « Ivresse Vaginale », ah, non, ça, c’est la sœur de Legrand qui s’appelle aussi Chloé, je ne sais plus…



« Aujourd’hui, nous sommes des cyborgs ; demain, j’espère que nous redeviendrons des bêtes. Et j’ai l’impression que c’est un peu là que tu nous amènes… »

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L 'Essence du théâtre

 
J’ai tout de la nuit et de la pluie, je m’égare en moi. J’aime Legrand, c’est mon ami. « Mais puisque tu m’as fait mourir… », m’a-t-il dit. C’est pour t’avoir encore plus à moi, tu deviens mon ami imaginaire. Avec toi, je peux tout faire, même du porno. Tu ne résistes plus à rien. Maintenant tout est possible. Je découvre des symphonies ignorées. Je découvre des merveilles. Et l’eau descend du toit. Tape sur le zinc. Glisse, lisse. La nuit m’enveloppe. Je suis allé voir La Cantatrice chauve, tout à l’heure. Ça se joue sans interruption depuis 1957 dans le même décor, les mêmes costumes, les mêmes lumières, la même mise-en-scène, c’est le musée Grévin du théâtre, c’est merveilleux. Les acteurs ont tous des gueules fabuleuses. Ils jouent très bien. Comme des spectres. Ils n’ont pas l’âge de la création, ils sont pourtant antédiluviens. Ceux que j’ai vus. Mais pourquoi les autres distributions seraient-elles moins bonnes ? Il n’y a aucune raison. Parfaits. L’un des acteurs ressemble à Samuel Beckett, l’une des actrices a l’air de Madeleine Renaud. Le capitaine des pompiers a l’air d’un Monty Python. Ça m’a fait penser à L'Invention de Morel, aussi, (de Bioy Casares). Ils reproduisent, reproduisent à l’infini, damnés, ne font que ça, ne savent faire que ça, rien d’autre, pas de vie privée, pas d'autres répliques… Des hologrammes de l'au-delà… La salle était à moitié vide parce qu’un groupe de 40 qui avait réservé et payé s’était perdu dans les limbes (ou dans « le noir extérieur » comme il est écrit dans l’Evangile selon Matthieu). C’était parfait.   
« — Vous avez du chagrin ?
— Non, je m’emmerde »
Ça m'a rappelé aussi à Le Cœur a ses raisons (la série parodique québecoise).  

« Oublions, darling, tout ce qui ne s’est pas passé entre nous… »

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Tuesday, June 03, 2025

L es Rideaux

 

J’avais rencontré Raphaëlle, je ne me souvenais pas de son prénom, je ne me souvenais que de son nom, qu’elle s’appelait Rousseau, comme Jean-Jacques. C’est ce que je disais quand je parlais d’elle à Legrand : elle s’appelle Rousseau. Legrand me disait qu’il connaissait un mec qui s’appelait Jean-Jacques Rousseau qui avait changé de nom pour devenir acteur. Je trouvais que c’était une erreur, s’appeler Jean-Jacques Rousseau, pour un acteur, c’est parfait. Jean-Jacques Rousseau disait que rien ne le rendait plus heureux que de voir les gens contents. « On a besoin de bisous, de câlins » disait BFMTV. Je répétais la phrase à Legrand d’un air bien appuyé. On entendait encore : « Y a du câlin dans l’air. » « Les Parisiens n’ont pas du tout / mais pas du tout / envie / d’aller / se coucher. » On traînait encore dans le quartier, dans la chaude soirée. Legrand m’amenait dans son rade favori pour un rhum arrangé, je buvais avec lui, j’étais heureuse, on parlait avec des Arabes, des Kabyles. Ali disait à Legrand parlant de moi : « ta copine ». Ça me comblait. En rentrant, je faisais une scène à Legrand parce qu’il se retournait sur une collègue : « Alors, dès que ça s’épile les jambes, il n’en faut pas plus pour te faire grimper aux rideaux, toi… »


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